Au cours des années 90, un nouveau phénomène fait son apparition dans les milieux de travail soit « le présentéisme ». Ceci se définit comme étant un « phénomène selon lequel un salarié est à son lieu de travail de façon assidue alors que son état de santé physique ou mentale ne lui permet pas d’être pleinement productif. »
Par Maxime Jobin, RVR Lévis–Côte-du-Sud
De plus en plus, au Québec et partout dans le monde, le stress gagne du terrain, entre autres, en raison de l’endettement grandissant des familles. Le coût de la vie n’a fait qu’augmenter au cours des dernières années ce qui a pour effet d’accroître la pression au travail. De plus, la CNESST, qui doit veiller à ce que les salarié-es puissent œuvrer tout en conservant leur santé et leur sécurité, est devenue un organisme de contestations et refuse, de plus en plus, des demandes de réclamation. Aussi, les employeurs, cherchant à réduire leurs coûts d’absentéisme, harcèlent littéralement la personne blessée.
En conséquence, bien souvent, les travailleuses et les travailleurs entrent au travail en cachant des blessures physiques ou psychologiques par crainte de représailles ou de perdre leur emploi, ce qui les met à risque de blessures encore plus graves. Être présent au travail de corps et absent d’esprit, voilà ce qu’on appelle le présentéisme. Le phénomène est de plus en plus présent et se doit d’être connu et dénoncé d’autant plus, qu’avec la pénurie de main-d’œuvre qui prévaut, les demandes d’effectuer des heures supplémentaires sont en hausses ce qui contribue à exacerber ce problème de société.
Voyons le phénomène en France en 2013 :
L’étude des manifestations du « présentéisme » (insatisfaction au travail, fatigue extrême, surinvestissement) montre qu’elles sont souvent, dans une importante proportion, les prémisses de l’absentéisme. Le cabinet de conseil en ressources humaines Midori Consulting calcule ainsi un « taux de présentéisme » variant selon les entreprises observées, de 1,4 à 2 fois le taux d’absentéisme.
En France, on estime que le présentéisme coûte de 13 à 25 milliards d’euros par an. « Mais avec la crise, on constate que le taux de présentéisme progresse », alerte Matthieu Poirot (fondateur du cabinet Midori Consulting). Pour l’expert en qualité de vie au travail, un salarié fait du présentéisme lorsque sa productivité est en recul de 30 %. Le taux théorique de présentéisme se situe entre 6 % et 9 % de la masse salariale en France. « Ainsi, d’après un calcul statistique, le coût du présentéisme serait entre 2,7 % et 4,8 % de la masse salariale. Ce coût caché pour les entreprises s’élèverait ainsi entre 13,7 et 24,9 milliards d’euros par an ! »
Pour le Québec qu’en est-il ?
Au Québec (Brun et Biron, 2006), on évalue que le présentéisme coûte 9,9 jours par année et l’absentéisme, 7,1 jours. Selon Gary Johns, auteur de l’étude Attendance dynamics at work : The antecedents and correlates of presenteeism, absenteeism, and productivity loss et professeur de management à l’École de gestion John-Molson de Concordia, les participants ont rapporté une moyenne de trois jours de présentéisme et de 1,8 jour d’absentéisme, la plupart pour cause de maladie, soit du deux pour un, ce qui est assez similaire au chercheur Brun qui parle de 2 jours de présentéisme pour 1 jour d’absence.
Dans l’étude Présentéisme et absentéisme : compréhension différenciée de phénomènes apparentés (Gosselin, Lemire et Corneil, 2011), les auteurs affirment que les personnes ayant de grandes responsabilités réduisent l’absentéisme, mais qu’elles causent le présentéisme, un problème aussi grave que l’absentéisme.
Selon Statistique Canada (2002), 4 % des travailleurs, soit environ 500 000 personnes, ont souffert de dépression, mais 40 % de ces travailleurs dépressifs ne se sont jamais absentés du travail !
Référence ; site de la SSQ (https://tinyurl.com/y8ts7c8r)
Les employeurs qui croient que de contraindre leurs salarié-es au travail leur permet d’économiser de l’argent font fausse route. Au contraire, le « présentéisme » n’est pas rentable pour l’employeur et encore moins pour la personne qui le subit. Que pouvons-nous faire ? Comment altérer l’approche ? Nous verrons une autre façon de traiter de ce fléau lors de la journée thématique du 28 février.
Extrait du numéro de février 2018 du journal Le Réflexe