Après trois ans de surplace, elles veulent du concret à la table de négociation

Depuis le dépôt de leurs demandes en juillet 2015, les sages-femmes attendent que le gouvernement du Québec daigne négocier sérieusement avec elles. Des actions menées cet hiver semblent avoir fait bouger les choses et, au moment d’écrire ces lignes, des rencontres sont enfin prévues avec le ministère. « On revoit le ministère avec une contre-proposition, mais on veut du concret, des mandats, on veut conclure », explique Mounia Amine, la présidente du Regroupement Les Sages-femmes du Québec.

Par Nicolas Lefebvre Legault, conseiller à l’information


Le 29 novembre, les sages-femmes manifestaient à Québec.

Une (très) longue négociation

Les négociations entre les sages-femmes et le gouvernement sont toujours très longues. La précédente négociation avait pris des années, au point où elle arrivait à échéance presque immédiatement après sa signature. « Lors de notre dépôt, en juillet 2015, on sortait à peine d’une période de mobilisation », explique Mounia Amine, « on n’avait pas envie de refaire la roue, on s’est dit qu’on irait ciblé, éclair et raisonnable alors on a déposé un projet très simple ». L’espoir des sages-femmes, qui sont accompagnées depuis 2009 par la Fédération des professionnèles (FP-CSN), était alors de conclure avant le secteur public.

« Trois ans plus tard, on n’en est plus là », confie Mounia Amine, « on n’a jamais eu de discussion de fond sur nos demandes, ce dont il a surtout été question c’est de données, de reddition de comptes et d’optimisation ». Les sages-femmes avaient l’impression d’avoir réglé la question lors de la négociation précédente, mais le gouvernement veut toujours aller plus loin, ce qui soulève des préoccupations. « Ce qui semble être le nœud du problème, c’est la question de l’autonomie professionnelle », explique la présidente du regroupement, « les sages-femmes veulent bien fournir les données demandées, mais elles tiennent à conserver leur jugement clinique et préserver la qualité et la sécurité des services à la population. » Les sages-femmes sentent d’ailleurs un bon appui des femmes et des familles à ce chapitre.

Les autres demandes des sages-femmes portent sur une bonification du Forfait modèle sage-femme. « L’enjeu c’est de reconnaître la garde et d’obtenir l’équivalent de ce qui se donne ailleurs au pays », explique Mounia Amine. Les deux autres priorités concernent les conditions de travail en région nordique, qu’elles veulent voir inscrites à l’entente comme les autres professionnels de la santé, et les libérations professionnelles qu’elles veulent voir augmenter. « C’est essentiel pour une jeune profession comme la nôtre », explique la présidente, « on a beaucoup de représentation et de concertation à faire dans un contexte de développement rapide. »


Une association professionnelle

Le Regroupement Les sages-femmes du Québec n’est pas un syndicat affilié à la CSN, il s’agit de l’association professionnelle des sages-femmes.

Le Regroupement compte 33 étudiantes sages-femmes et 217 sages-femmes membres, dont 35 dans la région de Québec–Chaudière-Appalaches. « Les instances représentant la pratique la pratique sage-femme sont l’ordre, l’université et notre association », explique Mounia Amine, « nous sommes reconnues comme syndicat professionnel et seul représentant officiel des sages-femmes par le gouvernement depuis 2008, mais nous avons aussi d’autres mandats associatifs comme une présence dans les médias et la communauté pour représenter les sages-femmes et maintenir le lien avec les femmes et les familles. »

Les sages-femmes sont un groupe de professionnelles avec un statut unique dans le réseau, ce sont des « professionnelles autonomes contractuelles, et salariées » (ouf !). Le regroupement négocie une entente avec le ministère, un peu comme les pharmaciens, par exemple. Depuis 2009, le RSFQ a signé une entente de service avec la FP-CSN. « Avec le soutien de la FP-CSN, nous avons beaucoup progressé et presque complètement réécrit l’entente précédente qui nous liait au ministère », raconte Mme Amine.


Une pratique en progression

La pratique sage-femme a été légalisée relativement récemment au Québec (1999) et les services, axé sur la continuité relationnelle, l’accouchement physiologique et le choix du lieu de naissance (domicile, maison de naissance ou centre hospitalier), sont encore en déploiement sur l’ensemble du territoire québécois.

Actuellement, un peu plus de 4 % des suivis de grossesses se font avec une sage-femme, un chiffre en augmentation progressive dans les dernières années. Le gouvernement a d’ailleurs comme objectif d’atteindre 10 % d’ici 2019[1].

« Si on veut plus que doubler l’accessibilité aux suivis avec sage-femme, il faut se pencher sur la formation, l’attraction et la rétention, notamment en région », affirme la présidente du Regroupement Les sages-femmes du Québec, « ça prend des investissements et un plan, autant au programme de formation que dans notre entente ». « C’est important et positif pour les femmes et les familles qu’il y ait un développement rapide », conclut Mounia Amine, « mais il y a encore des fils à attacher, il faut beaucoup plus de concertation entre le ministère et les instances de la pratique sage-femme. »

[1] Cadre de référence pour le déploiement des services de sage-femme au Québec, 2015  http://publications.msss.gouv.qc.ca/msss/fichiers/2015/15-816-01W.pdf


Extrait du numéro de février 2018 du journal Le Réflexe