Pénurie de main-d’œuvre et détérioration des conditions de travail
Le syndicat du CHU de Québec en mode action et solution
Lundi 23 avril 2018. – Le réseau de la santé et des services sociaux est aux prises avec une grave pénurie de main-d’œuvre et le CHU de Québec ne fait pas exception, bien au contraire. Cette réalité occasionne une détérioration des conditions et du climat de travail.
Des problèmes graves
Le travail au CHU de Québec est réputé difficile et une pénurie de main-d’œuvre frappe plusieurs titres d’emploi, ce qui occasionne plusieurs problèmes qui empirent année après année, les plus criants sont les heures supplémentaires, le travail en sous-effectif, le refus systématique des congés et des aménagements.
Le problème n’est pas seulement dû à la pénurie de main-d’œuvre qui sévit dans la région. L’organisation du travail est déficiente et rend le CHU de Québec moins attractif. « L’employeur exige une disponibilité hors du commun pour occuper un poste. Souplesse et flexibilité font partie de ses exigences », explique la présidente du syndicat de plus de 2 700 membres de la catégorie 2 (personnel paratechnique, des services auxiliaires et de métiers). Pour Chantal Cauchon, faire reposer la pression de la pénurie de main-d’œuvre sur les épaules du personnel en exigeant toujours plus ne fait qu’empirer la situation. « À titre d’exemple, la Gestion intégrée de présence au travail (GIPT) mise en place par la direction du CHU ne vise qu’à accentuer un contrôle sur des personnes déjà épuisées. ».
« Les préposé-es aux bénéficiaires et les assistantes et assistants techniques seniors en pharmacie sont aux prises avec le TSO (temps supplémentaire obligatoire) et les autres titres d’emploi avec des heures supplémentaires », martèle la syndicaliste. Seulement, en hygiène-salubrité à l’Enfant-Jésus, il y a eu 9 000 heures, en heures supplémentaires l’an dernier, tandis que du côté du CHUL des employé-es du service alimentaire ont dû rentrer faire des heures supplémentaires durant leurs vacances. « Au total, dans l’ensemble des départements des cinq hôpitaux, on parle de plus de 105 000 heures en heures supplémentaires, c’est énorme. »
La direction tente d’embaucher du personnel, mais a un sévère problème au niveau de sa capacité de rétention. « L’an dernier, il y a eu 422 embauches dans notre catégorie, mais durant le même temps il y a 398 départs », dénonce Chantal Cauchon qui précise que les secteurs où les besoins sont les plus criants sont en hygiène-salubrité, dans les services alimentaires, chez les préposé-es aux bénéficiaires, les assistantes et assistants techniques seniors en pharmacie et les préposé-es à la stérilisation.
La détérioration des conditions et du climat de travail au CHU de Québec a des conséquences pour la santé des employé-es. « De plus en plus de gens tombent malades et sont en arrêt de travail », révèle Madame Cauchon, « en 2016-2017 il y a eu 873 cas de personnes touchant de l’assurance salaire pour des raisons psychologiques. Pour l’année en cours, nous sommes déjà rendus à 883 cas. » La syndicaliste rappelle qu’il s’agit non seulement de personnes en souffrance, mais également d’une pression financière supplémentaire pour l’institution.
La présidente dénonce, du même souffle, la pression qui s’exerce sur les employé-es pour qu’ils soient aussi performants, même lorsqu’il manque de personnel. « On nous exige toujours de faire plus afin de compenser le manque d’effectifs, c’est un cercle vicieux. »
En mode action et solution
« Nos membres sont au bout du rouleau et nous n’avons pas l’intention de rester les bras croisés », a déclaré Chantal Cauchon, « nous sommes en mode action et solution, d’ailleurs, une rencontre est prévue à notre demande avec la direction générale cette semaine. »
« Il y a 52 chaises vides aujourd’hui dans la salle, c’est le nombre de postes de préposé-es aux bénéficiaires qui ont été affichés au CHU de Québec, mais dont aucun employé-e occasionnel n’a voulu », explique Chantal Cauchon. Les gens ont peur de perdre totalement le contrôle sur leur horaire de travail et refusent donc les postes qui s’ouvrent. Actuellement, l’employeur fait un travail important pour aller recruter à l’externe, notamment en offrant des garanties d’heures, cependant le syndicat craint que la solution ne soit que temporaire si l’employeur continue d’être aussi exigeant au niveau de la charge de travail et que les horaires demeurent instables. « Il y a un réel problème de roulement de personnel, il ne faut surtout pas le minimiser. »
Résolu à améliorer les conditions de travail de ses membres, le syndicat a dévoilé une partie de son plan d’action. « Nous dévoilons aujourd’hui un brassard que nos membres porteront fièrement au travail », explique Caroline Verret, agente syndicale à l’Hôtel-Dieu de Québec. « Nous avons l’intention de nous mobiliser de façon créative et déterminée dans les prochaines semaines : nous serons visibles ! ». Le syndicat mise sur l’ouverture de la direction afin de régler les problèmes pour les titres d’emploi les plus en demande. L’objectif syndical demeure l’élimination des heures supplémentaires obligatoires, le respect des congés demandés et la réduction des charges de travail.
Lucie Langlois, vice-présidente régionale de la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN), trouve que la situation est inquiétante et ouvre la porte à la privatisation. « C’est à se demander parfois si les autorités ne font pas exprès pour favoriser le développement d’un système privé en parallèle. Beaucoup d’employé-es se découragent, démissionnent et reviennent dans le réseau par le biais d’agences de placement ». Selon la représentante, la raison est très simple : « dans les agences de placement les gens ont de meilleurs horaires, moins de responsabilités et ne font pas de temps supplémentaire. Les gens veulent surtout des horaires stables pour permettre la conciliation travail-famille. »
Pour Ann Gingras, présidente du Conseil central de Québec–Chaudière-Appalaches (CSN), il est essentiel de soutenir les revendications de ce syndicat. « Il est quand même assez paradoxal que le CHU ait été nommé dans les 30 meilleurs employeurs au Québec et pourtant, on constate la grande détresse des salarié-es qui s’y retrouvent », s’étonne Mme Gingras. « Les gens qui travaillent en santé ont fait un choix, soit celui d’aider les autres, de les soigner et de les guérir. Cependant, il est inconcevable que nous puissions, en tant que société, continuer à se fermer les yeux sur le fait qu’ils le font très souvent au détriment de leur propre santé. Ce que les personnes qui œuvrent dans le réseau de la santé et des services sociaux souhaitent d’abord et avant tout, c’est d’offrir un service de qualité à la population dans des conditions qui soient respectueuses des personnes qui y travaillent au quotidien, et ça, le ministre Barrette doit en prendre acte », conclut-elle.