Loin d’être féministe, comme le prétend le ministre, le projet de loi 59 « contient plusieurs reculs pour les femmes et perpétue les inégalités sociales et de genre dont elles sont victimes », comme en a témoigné la professeure de l’Université Laval, Geneviève Baril-Gingras lors de son passage en commission parlementaire.

Geneviève Baril-Gingras. Photo: Université Laval

En structurant tout le volet de prévention de la loi sur la notion de niveau de risque, le projet de loi reproduit selon la professeure « le cercle vicieux de la sous-estimation des dangers » que rencontrent les femmes au travail. Une analyse de la répartition femmes/hommes sur la base des critères du projet de loi montre que beaucoup plus de femmes (69,3 %) que d’hommes (50,2 %) se retrouvent classées dans des secteurs à risques faibles. Or, ce qui se passe c’est que les risques du travail pour la santé des femmes sont invisibilisés. Concrètement, certains problèmes de santé reliés au travail affectant particulièrement les travailleuses, comme les troubles musculo-squelettiques, font l’objet d’une sous-déclaration et d’une sous-reconnaissance. 

Ce classement d’une majorité de travailleuses dans des secteurs à risques faibles va reconduire les problèmes en matière de prévention. En effet, le succès des mécanismes de prévention dépend de la capacité de donner une voix et des ressources aux travailleuses selon Geneviève Baril-Gingras. La faiblesse des ressources accordées aux représentantes et représentants de la santé-sécurité entre ainsi en contradiction flagrante avec l’objectif affiché qui est d’étendre les mécanismes de prévention partout. Selon la professeure, c’est le temps de libération qui est le facteur clef pour que la prévention fonctionne ; or, le temps alloué est beaucoup trop faible pour être efficace.

>> Geneviève Baril-Gingras participera au panel sur la réforme des lois en santé-sécurité au travail dans le cadre de l’assemblée générale du conseil central le 3 février.


Recul pour la travailleuse enceinte ou qui allaite ?

Le PL-59 modifie de manière substantielle le retrait préventif de la travailleuse enceinte ou qui allaite. Ce droit, accordé à la fin des années 1970, vise à protéger les travailleuses enceintes ou qui allaitent ainsi que leur enfant à naître des conséquences d’un travail dangereux. Logique ! En protégeant ces travailleuses et leur enfant à naître, on préserve leur santé, mais surtout, on transmet le message aux employeurs qu’ils doivent assainir leurs milieux de travail dangereux.

Aujourd’hui, le gouvernement veut limiter la portée de cette avancée pour les femmes en restreignant les risques pour lesquels ce droit serait applicable. Dans les faits, la Direction générale de la santé publique édicterait des protocoles mur-à-mur pour encadrer les médecins traitants qui accompagnent les travailleuses dans leur démarche. Il s’agit d’une restriction du droit des travailleuses. Pour toute demande de retrait du milieu du travail et dont le danger indiqué ne figure pas dans le protocole national : c’est le médecin de l’employeur qui aura le dernier mot. Clairement, la volonté est de restreindre l’accès à ce droit fondamental.


Extrait de l’édition spéciale sur le projet de loi 59 de février 2021 du journal Le Réflexe