Un oubli majeur : l’épuisement professionnel

Le ministre promettait une mise à jour de l’annexe sur les maladies professionnelles présumées reconnues pour, notamment, inclure les maladies à caractère psychologique dans la loi. L’ouverture est extrêmement timide sur le stress post-traumatique et limitée à des situations très balisées ainsi qu’à des groupes précis. Pire, il n’est nulle part mention de l’épuisement professionnel ou du stress chronique induit par une surcharge de travail alors qu’il s’agit d’un véritable fléau dans les milieux de travail.

Robin Cormier, président du Syndicat des professeures et professeurs du Cégep Limoilou (CSN)

« Au cégep, 99 % des cas d’invalidité au travail c’est de l’épuisement professionnel, » confie Robin Cormier, président du Syndicat des professeures et professeurs du Cégep Limoilou « on a fait un sondage en 2019 et les thèmes de préoccupation qui ressortaient le plus en matière de santé-sécurité c’était l’épuisement professionnel, la surcharge de travail et le harcèlement. » Selon le syndicaliste, l’épuisement professionnel touche bon an, mal an de 1 % à 2 % de ses membres.

« La direction n’est pas très conscientisée à ce phénomène », croit Robin Cormier, « pour eux, la détresse psychologique ce n’est pas si important, quand vient le temps de poser des gestes concrets, on ne voit pas grand-chose. On le sent au syndicat que ce n’est pas pris au sérieux par le cégep, on a deux ou trois cas un peu plus corsés de gens qui sont au bord du burn-out et quand on le souligne à la direction, rien ne change, la pression sur ces gens-là reste la même. » 

« À la base ça prendrait au moins une conscientisation sur le phénomène et ensuite de travailler en prévention », suggère Robin Cormier, « à tout le moins mieux informer les profs, au lieu d’envoyer un courriel avec un lien vers une vidéo, organiser une activité concrète sur place, par exemple un atelier de sensibilisation et d’information, ce serait un bon point de départ parce que là on en est réduit à parler du programme d’aide aux employé-es quand on a un cas. Il n’y a pas de prévention. »

Christian Lecompte, vice-président santé-sécurité du Syndicat des professionnèles, techniciennes et techniciens de la santé et des services sociaux (SPTSSS-CSN), est déçu que le gouvernement n’en ait pas profité pour inclure l’épuisement professionnel dans les maladies présumées reconnues. « L’épuisement professionnel c’est un tout, il faut tenir compte des risques psychosociaux », dit-il, « c’est difficile de faire considérer l’impact du climat de travail dans l’équation sans que ce soit nécessairement du harcèlement, l’attitude des gestionnaires, la pression qu’ils mettent sur les gens a une incidence, tout ça est en lien, mais ce n’est pas reconnu. »

Christian Lecompte croit que si l’épuisement professionnel était reconnu par la CNESST, cela changerait la donne considérablement : « ça forcerait l’employeur à considérer les risques psychosociaux, à venir dans les équipes de travail et à voir comment ça se passe. » Selon lui, cela créerait un meilleur équilibre entre les parties. « Je crois que l’employeur serait plus proactif en prévention, ça le forcerait à examiner le climat de travail et ça nous donnerait un meilleur levier pour changer les choses. »

Malgré les problèmes bien présents dans les milieux de travail, nous constatons avec la réforme, que le volet portant sur les conséquences d’une mauvaise organisation du travail a été largué pour uniquement considérer les facteurs de risque.


Extrait de l’édition spéciale sur le projet de loi 59 de février 2021 du journal Le Réflexe