Ann Gingras, dans les coulisses de l’assemblée virtuelle du 3 février.

Le conseil central en mode virtuel

Réunis en assemblée générale le 3 février, les représentants des syndicats affiliés au Conseil central de Québec–Chaudière-Appalaches (CSN) étaient unanimes : le ministre Boulet doit refaire ses devoirs et modifier en profondeur le projet de loi 59. Les délégué-es ont adopté une série de résolutions concernant la réforme du régime québécois de santé-sécurité au travail ainsi qu’un plan d’action pour se faire entendre.

Mesures sanitaires obligent, il s’agissait de la seconde assemblée générale du conseil central en mode virtuel. Comme bien des syndicats, nous avons pu constater que cela n’affectait pas négativement la participation. Au contraire, avec une pointe de 163 participantes et participants à certains moments, on peut dire que c’est un succès. La présentation d’une dynamique, et fort instructive, table ronde d’experts sur le projet de loi 59 n’est certainement pas étrangère à cet engouement.

La réforme des lois en matière de santé-sécurité au travail n’était évidemment pas le seul sujet à l’ordre du jour de l’assemblée générale. Les délégué-es ont notamment fait le point sur la négociation du secteur public et les activités de l’édition 2021 de la Journée internationale des droits des femmes (8 mars).


Projet de loi 59

Le ministre Boulet doit refaire ses devoirs

« Le projet de loi 59 réformant les lois en matière de santé-sécurité au travail nous fera reculer de 40 ans », dénonce Ann Gingras, présidente du conseil central. Selon la syndicaliste, le projet de loi 59 sabote ce qui fonctionne bien dans les milieux de travail et prive les travailleuses et les travailleurs des outils nécessaires en prévention. « C’est une réforme sans-cœur pour les personnes accidentées ou malades du travail », ajoute Ann Gingras, « ça a été pensé pour économiser de l’argent sur leur dos et baisser les cotisations des employeurs. »

Pour la présidente du conseil central, le projet de loi est inacceptable dans sa forme actuelle. « À notre avis, il faut minimalement scinder les volets réparation et prévention, qui concernent de toute façon deux lois différentes, et les traiter séparément », dit Ann Gingras. « Le niveau de complexité de ces deux lois dans un même projet fait en sorte que plusieurs articles risquent d’être escamotés et ce sont les personnes accidentées qui paieront en bout de ligne. »

En matière de prévention, les syndicats affiliés au conseil central croient que les acquis actuels doivent être considérés comme un point de départ et être étendus à tous les secteurs du monde du travail. « Il ne fallait pas faire table rase, il y a actuellement des mécanismes qui ont fait leurs preuves dans les milieux industriels et qui ont permis de réduire significativement les accidents et les maladies; il faudrait les étendre à tous les milieux de travail au lieu de saupoudrer comme semble vouloir faire le ministre », croit Ann Gingras. « De plus, le fait de vouloir évacuer l’expertise de la santé publique des milieux de travail pour donner la place aux médecins d’employeurs constitue une gifle au visage pour les travailleuses et les travailleurs. »

En matière de réparation, il faut améliorer l’accessibilité du régime pour qu’il puisse remplir adéquatement son rôle. « Il faut s’attaquer à la surutilisation des médecins dans le processus de la réparation des lésions professionnelles ainsi qu’à la judiciarisation du régime », explique Ann Gingras. Une façon efficace de le faire serait notamment de revoir le mode de financement du régime, actuellement basé sur l’imputation. « Dans l’état actuel des choses, tout pousse à la contestation afin d’éviter une hausse des cotisations. Il faut changer cette façon de faire. Cela entraîne un stress inutile et nuisible que l’on impose à des personnes qui, rappelons-le, sont blessées ou malades », explique-t-elle. Au contraire, la réforme du ministre amènerait le régime à s’enliser davantage dans une judiciarisation.

Les membres du conseil central, qui sont outrés par les reculs prévus dans la réforme du ministre Jean Boulet, se sont dotés d’un plan d’action pour se faire entendre. Dans l’immédiat, les syndicats ont été invités à écrire à leur député mais il n’est pas exclu qu’une manifestation soit organisée lorsque les conditions sanitaires seront un peu plus souples et permettront une mobilisation de terrain. « C’est un sujet trop important, qui touche trop les travailleuses et les travailleurs dans leur quotidien, pour que nous restions silencieux. Il est certain que nous nous ferons entendre haut et fort dans les semaines à venir », conclut Ann Gingras.


Extrait du numéro de mars 2021 du journal Le Réflexe