Aux origines de la fête du Travail
« Ce long congé est une gracieuseté du mouvement syndical. » Peut-être avez-vous vu circuler une vignette, en anglais ou en français, à cet effet sur Internet. Qu’en est-il au juste ? Retour sur les origines de la fête du Travail.
Un malentendu persiste dans la gauche nord-américaine sur la signification et l’origine de la fête du Travail. En effet, on croit souvent que la fête du Travail, célébrée le premier lundi de septembre, a été créée par les patrons pour supplanter le 1er mai, la Journée internationale des travailleuses et des travailleurs. Or, il n’en est rien, la fête du Travail a bel et bien une origine syndicale.
Origine syndicale
Dès le milieu du XIXe siècle, les syndicats organisent des fêtes et des défilés pour prendre leur place dans la société et célébrer les victoires de la classe ouvrière émergente. À Québec, par exemple, la très militante Société des journaliers de navires (le premier syndicat de débardeurs) organise une fête et un défilé rassemblant jusqu’à 5 000 personnes tous les 23 juillet de 1867 à 1878 pour célébrer sa victoire contre les marchands et les arrimeurs lors d’une grève en 1866. Il en est de même dans plusieurs villes du continent.
C’est lors d’un congrès à New York, en 1882, que les syndicats décident d’organiser de façon plus systématique des célébrations et de choisir une fois pour toutes une date unifiée. Le premier lundi de septembre est alors choisi non pas pour fin de commémoration, mais tout simplement parce qu’à cette période de l’année le temps est doux à New York et se prête bien à des défilés et pique-niques. L’initiative est un tel succès – 10 000 travailleuses et travailleurs y prennent part — que la plupart des villes industrielles du continent emboîtent le pas.
Au Québec
La première célébration de la fête du Travail au Québec a eu lieu à Montréal en 1886 à l’initiative de l’Union des cigariers et sera reprise année après année. Le défilé est imposant, les gens marchent par métier, souvent en habit de travail, des chars allégoriques et des fanfares sont de la partie. Tous les médias couvrent l’évènement, souvent en première page.
Dès le départ, les syndicalistes font des représentations pour faire reconnaître la fête du Travail et en faire une fête légale (un jour férié). La Ville de Montréal en fait un jour civique en 1889, mais c’est un peu plus long avec les autres paliers de gouvernement. Les gouvernements fédéraux américains et canadiens emboîtent le pas la même année, en 1894, sensiblement pour la même raison (des politiciens espèrent ainsi s’attirer les faveurs du mouvement syndical à la veille d’élections). Les provinces n’ont pas le choix d’emboîter le pas (Québec le fera définitivement en 1899).
À Québec, le premier défilé syndical de la fête du Travail sera organisé en 1895. Assez rapidement, le défilé est jumelé à un pique-nique à l’exposition provinciale (Expo Québec) et en marque le début. À partir de 1918, avec l’apparition du syndicalisme catholique, on ajoute une messe. Le défilé, organisé par le conseil central, est très important pour le mouvement syndical et vise à marquer son importance dans la ville. Il n’est pas rare qu’il soit ouvert par le chef de la police et des pompiers et que le maire y assiste.
Après avoir gagné en importance au fur et à mesure de la progression du mouvement ouvrier, jusqu’à regrouper plus de 30 000 personnes à Montréal dans les années 1920, les défilés de la fête du Travail perdront de leur attrait et de leur popularité à partir des années 1950. Les gens, dit-on, préfèrent profiter de la dernière longue fin de semaine de l’été pour passer du temps en famille et quitter la ville pour ceux et celles qui le peuvent. Au point où le conseil central se pose régulièrement la question de l’abandon de la célébration de la fête du Travail durant les années 1960, ce qu’il fera finalement en 1973, au profit du 1er mai.
Extrait du numéro de septembre 2022 du journal Le Réflexe