Le local historique de l’Armée du Salut dans le Vieux-Québec.

Fermeture de l’Armée du salut 

Le 31 juillet dernier fut une triste journée pour le milieu communautaire de Québec. C’était, en effet, la dernière journée d’opération d’une institution du Vieux-Québec : l’Armée du Salut. Les services sont repris par deux organismes : PECH pour l’hôtellerie pour hommes et Le Rempart, un nouvel OBNL, pour la Maison Charlotte. 

Par Nicolas Lefebvre Legault, conseiller à l’information

Direction absente 

Le Syndicat des travailleuses et des travailleurs de l’Hôtellerie pour hommes et Maison Charlotte (CSN) tient à dénoncer comment le dossier de la fermeture a été mené. « On dénonce le manque de coopération dans la transition », explique une militante du syndicat (*), « ils ne nous ont pas aidés du tout malgré ce qu’on nous avait dit : personne de Toronto ni de Montréal, ne nous a contacté, la direction a été complètement absente. » 

La nouvelle de la fermeture de l’Armée du Salut est tombée le 29 janvier. Le processus fut long et pénible, notamment en ce qui concerne une « prime de rétention » pour assurer qu’un nombre suffisant de travailleuses et de travailleurs restent jusqu’à la fin. « Nous avons refusé, en assemblée générale, une première offre de prime de rétention qui était jugée insuffisante », raconte un autre militant, « la direction nous a donné une réponse en mai, mais en juin, nous n’avions toujours rien signé. On a finalement reçu les sous en juillet, mais d’un seul coup, ce qui fait que l’impôt est venu en gruger une bonne partie. » 

Les tergiversations de la direction de l’Armée du Salut ont réduit l’équipe comme peau de chagrin. « On était 45 membres environ quand on a appris la fermeture de la ressource, mais il n’en restait plus qu’une vingtaine à la fin… pour donner les mêmes services dans un contexte de pandémie », dénonce le syndicaliste, « la direction n’a jamais parlé directement aux employé-es, même avec la Covid, ils ont été complètement absents. » 

Se réinventer

« Depuis l’annonce de la fermeture, on s’est réinventé, on a fondé un OSBL, Le Rempart, pour reprendre les services, mais on a eu très peu d’aide de la direction », poursuit la militante, « le bâtiment historique de l’Armée du Salut a été vendu, ça a été un coup dur. »  

Il faut noter que l’équipe du Rempart aurait aimé pouvoir reprendre l’ensemble des services offerts par l’Armée du Salut.

(*) Par mesure de précaution, les membres du Syndicat des travailleuses et des travailleurs de l’Hôtellerie pour hommes et Maison Charlotte (CSN) ont décidé en assemblée générale que leur dénonciation serait anonyme pour éviter d’éventuelles représailles.


L’assemblée générale de fondation de l’OBNL Le Rempart — Centre d’hébergement et d’accueil a eu lieu le 2 juillet dernier, dans les locaux de Lauberivière.

Fondation du Rempart 

Lorsque leur employeur a annoncé la fermeture de ses activités, les travailleuses et les travailleurs de l’Armée du Salut se sont organisés avec leur syndicat pour relancer et développer les activités sous forme d’OBNL. Avec l’aide du Conseil central de Québec–Chaudière-Appalaches (CSN), de la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS), de l’équipe de MCE Conseils et des partenaires du milieu, ils et elles ont mis sur pied Le Rempart. 

L’OBNL a reçu ses lettres patentes le 26 mai et tenu son assemblée générale d’organisation le 2 juillet. Officiellement nommé Le Rempart — Centre d’hébergement et d’accueil, le nouvel organisme a pour mission de soutenir, défendre et accompagner les personnes qui souffrent de pauvreté, de dépendances, de problèmes de santé mentale ou qui sont en situation d’itinérance. C’est ce groupe qui poursuit les activités de la Maison Charlotte, un service dédié aux femmes, qui était auparavant sous le giron de l’Armée du Salut. 

« Il s’est fait beaucoup de chose en très peu de temps », raconte Pierre Maheux, vieux routier actif dans le milieu communautaire depuis les années 1980 et qui a accepté de donner un coup de main au nouvel organisme notamment en y présidant le conseil d’administration, « on a réussi à obtenir rapidement un financement du CIUSSS et du gouvernement fédéral pour maintenir le volet femme, il y a eu l’assemblée générale de fondation à Lauberivière le 2 juillet et la mise en place d’un c.a.. » 

Selon Pierre Maheux, le nouveau c.a., composé d’une représentante des usagères, d’une représentante des employées et de cinq membres de la société civile (dont Yves Fortin, ancien secrétaire général du conseil central), comporte une belle variété d’âges et de milieux. « Grâce aux représentants internes, on est bien équipé pour être attentif aux besoins des usagers », dit-il. 

Les défis de fonder un nouvel organisme, surtout en pleine pandémie, sont nombreux. L’organisme compte actuellement une dizaine de lits, mais va passer à 25 d’ici la fin de l’année. « On regarde encore les différentes sources de financement possible pour combler notre manque à gagner, c’est sûr que ça va être du financement par projet pendant quelques années, c’est le lot de tous les nouveaux groupes », explique Pierre Maheux, pour qui le principal défi des prochaines années sera de vivre avec l’insécurité financière tout en maintenant le cap pour assurer la pérennité de la ressource et des services à la communauté, des femmes surtout. « Le milieu est heureux que ça reste ouvert, on est en période de pénurie de logements, il y a pas mal de monde qui couche dehors, il y a des tentes qui apparaissent, c’est moins visible qu’à Montréal, mais c’est là », dit-il. 

« On a beaucoup d’aide du milieu, de MCE Conseils, de la CSN, mais le rêve de départ de reprendre l’ensemble des services de l’Armée du Salut, dont l’hôtellerie pour hommes et d’acheter la maison n’a pas fonctionné, ça fait partie des frustrations », concède Pierre Maheux, « mais il y a une bonne mobilisation des employé-es, les gens sont soulagés qu’on soit passé au travers, là on sait qu’on a le volet femmes, notre mission c’est de le conserver, de le consolider et de le bonifier. L’itinérance au féminin est mal reconnue et il n’y a pas assez de services, il faut y pallier. » 

Selon Pierre Maheux, les prochaines étapes pour Le Rempart seront de consolider le financement, de consolider et stabiliser l’équipe de travail, de voir les opportunités pour développer les services. 

« Il va falloir s’installer, le monde ne se connaît pas tant, travailler avec un c.a. dans un contexte démocratique, c’est une nouvelle expérience pour tout le monde, c’est une culture qui détonne avec celle de l’Armée du Salut qui est calquée sur un régime militaire ». Une chose est sûre : ce n’est pas la bonne volonté qui manque. 


Extrait du numéro de septembre 2020 du journal Le Réflexe