Rassemblement de solidarité, en appui aux grévistes, le 25 mars dernier

Municipaux de Saint-Georges

En grève pour le salaire… et le respect

Les employés du service des loisirs et de la culture de la Ville de Saint-Georges sont en grève générale illimitée depuis le 2 mars dernier, après avoir fait quatre jours de grève perlée. Officiellement, le principal point en litige porte sur les salaires, mais on sent bien qu’il s’agit surtout d’un enjeu de respect.

Intransigeance municipale

Le Syndicat des travailleuses et travailleurs municipaux de la Ville de Saint-Georges — CSN a été accrédité le 23 août 2022 pour représenter la soixantaine de travailleuses et de travailleurs du service des loisirs et de la culture. Ceux-ci étaient auparavant représentés par une autre centrale. Très rapidement, soit en septembre 2023, la Ville de Saint-Georges a approché le syndicat pour bonifier le salaire d’embauche parce qu’elle peine à recruter des travailleurs et des travailleuses pour opérer le tout nouveau complexe multisport. Elle a toutefois refusé catégoriquement de lancer immédiatement les négociations pour le renouvellement de la convention collective. « Ce n’est pas vous qui allez décider quand et comment on va négocier » fut la réponse reçue. Dès le départ le ton était donné. Intransigeance, autoritarisme et paternalisme sont bien ancrés dans la culture locale.

Les négociations durent depuis environ un an. « Nous avions plusieurs demandes pour améliorer nos conditions de travail, autant sur le normatif que sur le monétaire, » explique Mario Boissé, le président du syndicat, « mais il y a un blocage de la Ville sur le monétaire. » Concrètement, la Ville n’a pratiquement pas bougé depuis le début sur sa proposition salariale initiale, même si elle ne couvre pas l’inflation.

Du côté syndical, on a jeté du lest et abandonné des demandes à incidences financières pour permettre à la Ville d’en mettre plus sur les salaires, mais sans résultat. « À la demande du syndicat, il y a une conciliatrice du ministère du Travail dans notre dossier depuis le 15 décembre, » explique Mario Boissé, « mais ça n’a donné aucun résultat parce que la Ville reste campée sur ses positions. » La dernière offre patronale remonte d’ailleurs au 25 février, soit bien avant le déclenchement de la grève générale illimitée.

Diviser pour régner

L’écart entre les parties ne peut expliquer à lui seul le conflit pense la Fédération des employées et employés de services publics (FEESP-CSN). « Concrètement, il n’y a que 3 % sur cinq ans qui séparent le syndicat de la Ville, » révèle Simon-Mathieu Malenfant, vice-président trésorier de la FEESP-CSN, « et le syndicat a assoupli ses positions pour combler la distance. Normalement, ils auraient dû régler à l’heure actuelle. »

C’est triste à dire, mais les relations de travail à la Ville de Saint-Georges sont caractérisées à la fois par le paternalisme et un certain amateurisme. Les élus et la direction se voient clairement comme les seuls rois et maîtres à bord. Ils utilisent depuis toujours les différents groupes d’employés les uns contre les autres. Ainsi, ils s’appuient sur le résultat des autres syndicats pour refuser d’en donner plus « par souci d’équité ».

« L’argument de l’équité ne tient pas, » pense Simon-Mathieu Malenfant, « les autres groupes ont négocié leur convention collective avant l’épisode inflationniste que l’on connait. Ils ont donc obtenu des hausses de salaire en fonction d’une inflation maitrisée à 2 %, c’est sûr qu’ils vont demander un rattrapage lors de leurs prochaines négociations. » Pour la Fédération, rien ne justifie que des travailleuses et des travailleurs syndiqués s’appauvrissent en 2024.

Orgueil mal placé

Au Conseil central de Québec–Chaudière-Appalaches, on soupçonne que l’orgueil joue pour beaucoup dans l’impasse actuelle. « Depuis le début des moyens de pression, à chaque fois que la Ville aurait pu s’assoir et mettre les énergies pour régler, elle a consciemment choisi d’appliquer des plans de contingence, » rappelle Barbara Poirier, la présidente du conseil central. C’est ainsi que le plus ancien tournoi de hockey d’Amérique du Nord a été annulé, que des évènements d’envergure ont été déplacés dans des installations privées tandis que des cours et des activités ont été relocalisés dans les municipalités environnantes. « C’est la population qui paie pour ça alors qu’il serait si simple de régler, » laisse tomber la présidente qui plaint les parents de Saint-Georges qui doivent maintenant composer avec l’incertitude qui plane sur les camps de jour de cet été.

Certains élus cachent mal leur mépris pour les travailleurs et les travailleuses. « Ça transparait dans les séances du conseil de ville et dans les déclarations inexactes ou carrément trompeuses du maire dans les médias, » dénonce Barbara Poirier. Les syndiqués, et la CSN, ont même eu écho de déclarations méprisantes du maire dans des lieux publics à l’effet que « les grévistes sont payés très cher pour ramasser du vomi et vider des poubelles. »

« Pour être franche, ce que je pense c’est que certains cadres et élus sont frustrés de ne plus être les seuls maîtres à bord et qu’ils se sont donné pour mission de casser les syndiqués, » analyse la présidente du conseil central, « pourtant il va bien falloir qu’ils se fassent à l’idée : il y a un maintenant un syndicat CSN dans la place et ça ne pourra plus être “comme avant”. Les employés ont leur mot à dire et méritent le respect. »

Depuis le début de leur conflit, les syndiqués ont pu compter sur l’appui du mouvement CSN. Ils ont obtenu l’appui formel du conseil confédéral de la CSN, il y a eu une manifestation du conseil central à Saint-Georges, ils ont participé à la manifestation du 1er mai à Québec. « Et ce n’est pas fini, toute la CSN est derrière les grévistes de Saint-Georges et nous allons les appuyer jusqu’au bout, » dit Barbara Poirier, « on va aller aussi loin qu’ils voudront aller et les soutenir aussi longtemps qu’il le faudra. »

La Ville de Saint-Georges est aussi bien de se faire à l’idée : le Syndicat des travailleuses et travailleurs municipaux de la Ville de Saint-Georges — CSN est là pour rester et ses membres ont bien l’intention de gagner.


Extrait du numéro de mai 2024 du Réflexe