Partage d’expériences
Une enquête terrain
Maxime Jobin, du syndicat des travailleurs et travailleuses des outils Garant – CSN, raconte qu’il y a trois ans, en arrivant à la CSN, le syndicat de cette entreprise familiale a décidé de se pencher sur le dossier de la santé-sécurité au travail. Les incidents étaient nombreux et plusieurs craignaient un accident grave. Malheureusement, les préoccupations ouvrières n’étaient pas prises au sérieux par la direction de l’entreprise qui n’y voyait que l’avis d’un petit groupe de chialeux.
La première étape fut d’aller vers les membres pour identifier les problématiques vécues dans l’usine et les pistes de solutions des travailleuses et des travailleurs. À force de mobilisation et de beaucoup de travail, le syndicat a fini par obtenir un taux de réponse de 66 % à un sondage interne. Les résultats de l’enquête furent analysés et bonifiés en assemblée générale pour ensuite rédiger un rapport syndical. Cette démarche d’une durée d’un an a permis de démontrer l’appui des travailleuses et des travailleurs et de faire bouger sensiblement les choses (il faut dire qu’un accident de travail grave est survenu entretemps ce qui a secoué tant la partie patronale que syndicale).
Évidemment, tout n’est pas gagné, mais deux ans plus tard, la mobilisation ne faiblit pas et les membres continuent de porter fièrement un t-shirt sur lequel est inscrit « la santé-sécurité au travail, ma priorité ».
Documenter la problématique
Stéphane Garneau, du syndicat des professionnels et techniciens du Centre de réadaptation en déficience intellectuelle de Québec, témoigne que la problématique de la santé-sécurité au travail était reconnue au CRDI, mais que les responsables patronaux avaient tendance à la minimiser et à voir une fatalité dans les nombreuses agressions subies par les employé-es.
Afin d’amener une prise de conscience de l’enjeu et de faire bouger les choses, le syndicat a choisi de documenter systématiquement le problème. Après avoir monté une chronologie des évènements, le syndicat a produit une compilation complète des avis d’employé-es et des demandes de remboursement (ADR), ce qui a permis de montrer l’ampleur du problème et de rendre cela très concret avec plusieurs graphiques et tableaux. En faisant un décompte et en l’analysant sous toutes ses coutures, et ce, malgré la nonchalance de la CNESST, le syndicat a pu montrer ce qui se passe réellement au CRDI; quand est-ce que ça se passe, quelles sont les situations et les périodes à risque, bref identifier des priorités et des pistes de solutions larges.<
Sans avoir réglé tous les problèmes, l’action syndicale dans le dossier a forcé une prise de conscience de la partie patronale. Le dossier reste à suivre.
Une action syndicale déterminée
Anne Doucet, du Syndicat des travailleuses et travailleurs du Centre de santé et des services sociaux de Québec-Sud, est revenue quant à elle sur une expérience récente vécue par les auxiliaires familiaux à l’emploi du CIUSSS. Lorsque l’épidémie des punaises de lit est arrivée à Québec, les travailleuses et les travailleurs du réseau de la santé et des services sociaux qui sont sur la route, ont rapidement été confrontés à des cas d’infestation. Plusieurs employé-es ont contacté le syndicat pour faire part d’un malaise et d’inquiétudes à travailler dans ce contexte.
En regardant le protocole prévu dans de telles situations, le syndicat a rapidement constaté des lacunes au niveau de l’information fournie aux employé-es. Concrètement, on ne formait pas les gens au phénomène, on ne leur expliquait pas ce que c’était et quel était le risque réel. Les gens avaient carrément peur de ramener des punaises de lit à la maison et l’employeur ne faisait rien, ni pour les rassurer ni non plus pour les protéger. Malgré plusieurs interventions auprès de l’employeur, peu de chose ont changées et le niveau de stress des employé-es augmentait, déclare Anne Doucet.
Finalement, c’est en faisant un suivi serré tant auprès des membres qu’auprès de la partie patronale que le syndicat a identifié les lacunes. Il a fallu, toutefois, menacer l’employeur d’exercer des droits de refus et de les mettre en application pour le faire bouger et le forcer à répondre aux questions et aux inquiétudes des employé-es. Malgré cela, l’employeur refusait toujours de fournir un équipement de protection adéquat. C’est finalement en maintenant les droits de refus et en faisant venir un inspecteur, qui a constaté trois dérogations, que la situation a été réglée. Le protocole a été bonifié quant à l’information diffusée sur les punaises de lit. Il y a eu une meilleure analyse des cas où l’équipement de protection est requis et finalement l’obligation d’informer et de former les travailleuses et les travailleurs qui sont forcés de travailler dans un contexte où il y a infestation.
Ce qu’Anne Doucet retient de l’expérience, c’est l’importance d’avoir des gens responsables en prévention, d’avoir des gens sur le terrain qui sont capables de rediriger les travailleuses et les travailleurs vers les responsables du syndicat afin de les informer de ce qui se passe sur le terrain. De cette façon, on peut intervenir adéquatement et déployer une action syndicale efficace pour remplir notre mandat en santé et sécurité.
Un ancrage historique
Des constats pour l’action
Le jeu de base en SST selon Marc Laviolette
1. Il faut s’organiser : ça prend un comité et des délégué-es présents sur le terrain.
2. Il faut enquêter, ça veut dire aller vers les travailleuses et les travailleurs, faire des sondages, aller chercher une expertise.
3. Il faut former et éduquer les travailleuses et les travailleurs concernés et pas juste les délégués parce que c’est avec l’action collective qu’on va changer les choses.
4. Puisque c’est par l’action collective qu’on peut régler les problèmes à la source, il faut connaitre les maillons faibles de l’entreprise, savoir user du rapport de force.
5. La vie syndicale est le support de l’action collective, il faut publiciser les résultats de l’action collective (les dossiers de santé et sécurité au travail sont la meilleure façon de renforcer les syndicats, parce que ça permet de prouver par A + B que l’action collective change les choses ce qui valide la pertinence de l’action syndicale).