Accrédité tout juste avant les fêtes, le syndicat des 320 travailleurs et travailleuses de la fonderie Bibby, à Sainte-Croix, se lance avec confiance dans sa première négociation collective à la manière CSN. Le Réflexe a pu s’entretenir avec Éric Moffet, président du nouveau syndicat, sur les attentes et les défis qui attendent le groupe.
Par Nicolas Lefebvre Legault, conseiller à l’information CCQCA
Une première négociation CSN
Au moment de l’entrevue, Éric se préparait pour l’assemblée extraordinaire, lors de laquelle les membres du syndicat pourront se prononcer sur le projet de convention collective sur lequel planchent les membres du comité exécutif depuis un mois. Des séances de négociation sont prévues dès le 11 avril, la convention collective arrivant à échéance le 6 mai prochain.
De l’avis du président, l’ancienne convention collective n’était pas nécessairement mauvaise, l’enjeu c’est de réussir à la faire appliquer correctement. Il identifie l’enjeu principal de cette première négociation avec la CSN comme étant de ramener le pendule vers le centre (actuellement, il penche un peu trop du côté du patron).
Outre les classiques comme les salaires et le régime de retraite, deux enjeux spécifiques préoccupent le comité exécutif. Le premier concerne la sous-traitance et le second le taux de roulement. Concrètement, l’entreprise n’est pas capable, actuellement, de subvenir aux besoins de maintenance des installations à l’interne. Le syndicat reconnait donc un certain besoin de recourir à de la sous-traitance. Toutefois, il voudrait pouvoir mieux l’encadrer. Par ailleurs, le taux de roulement, de 30 % à 35 % par année, préoccupe Éric Moffet qui dit ne jamais avoir vu cela. Le comité exécutif voudrait se pencher sérieusement sur le problème en partenariat avec la partie patronale pour voir comment on pourrait ramener le taux de roulement du personnel à des proportions plus normales.
Retour vers le futur : revitaliser la vie syndicale
Quand on lui demande comment il envisage la suite, Éric Moffet confie que l’un des objectifs du nouveau comité exécutif est de revitaliser la vie syndicale dans le milieu de travail. Actuellement, selon le président, la fonderie est à l’image du reste de la société : il y a de moins en moins de solidarité et de mobilisation collective. Le président aimerait ramener ses collègues de travail aux assemblées syndicales pour animer les débats et la critique constructive.
Au niveau de la CSN, Éric Moffet est très satisfait des services qu’il a reçu jusqu’à maintenant. Il apprécie particulièrement les formations, qui lui semblent très pertinentes, axées sur des exemples concrets et pratiques. Le syndicaliste aime pouvoir rencontrer des militantes et des militants d’autres entreprises et pouvoir échanger avec ces derniers. C’est quelque chose de précieux pour lui, et il espère pouvoir conserver ceci à long terme.
Il ne tarit pas d’éloges pour les conseillers à la négociation et à la mobilisation qui sont affectés au syndicat. « Ce sont des gens avec beaucoup d’expérience qui nous amènent à regarder les problèmes que nous vivons sous un autre angle » dit-il, ajoutant être rassuré de voir que le peu d’expérience du nouveau comité exécutif est largement compensé par l’expérience et l’expertise qu’amène la CSN. « On a l’impression d’être assis sur du solide pour faire face à un éventuel conflit, ce qu’on ne se souhaite pas, mais qui pourrait venir cette fois ou lors d’une prochaine négociation », conclue-il.
De la CSD à la CSN
Retour aux sources
Les travailleurs et les travailleuses de la fonderie Bibby Sainte-Croix sont syndiqués depuis fort longtemps. En effet, leur syndicat était l’un des membres fondateurs de la CSD, en 1972, lors de la scission. Leur adhésion à la CSN est donc un retour aux sources.
Pourquoi changer après 44 ans? Selon Éric Moffet, plusieurs raisons ont amené les militantes et les militants à vouloir changer d’affiliation. Concrètement, les syndiqué-es ne se sentaient pas bien représentés par leur ancienne centrale. Leur conseiller n’était pas disponible et semblait décidément trop mou face à l’employeur.
Il a suffi d’une étincelle et d’un coup de fil au Service de syndicalisation de la CSN pour lancer la campagne. En deux semaines et demie c’était réglé. Plus de 200 personnes avaient signé leur carte du nouveau syndicat. Le dépôt s’est fait le 7 décembre et l’accréditation fut accordée le 22 décembre. « Un beau cadeau de Noël », mentionne le président.
La campagne de maraudage n’a pas laissé trop de traces. Bien sûr, la CSD ne s’est pas avouée vaincue d’emblée et il y eut certains froids, mais, selon Éric Moffet, la plupart des personnes qui n’avaient pas adhéré à la CSN se sont ralliées. « Les gens qui n’ont pas signé ne sont pas nécessairement contre, c’est juste qu’ils ne voulaient pas froisser leurs collègues identifiés à la CSD et préféraient rester neutres ».
Historique de l’entreprise
Bibby Sainte-Croix : une institution
La fonderie Sainte-Croix a été fondée en 1921, à Sainte-Croix-de-Lotbinière. À l’époque, elle produit principalement des pièces coulées destinées au secteur agricole. Ce n’est qu’à la faveur de la Seconde Guerre mondiale que la fonderie commence à se spécialiser dans les tuyaux d’égout, la production de masse apparait en 1947. La fonderie est entièrement reconstruite, à la suite d’un incendie, juste à temps pour son cinquantième anniversaire en 1971. Le nom de Bibby apparait en 1977, à la suite du rachat par une entreprise ontarienne du même nom. Après être passée entre les mains d’autres intérêts canadiens, la fonderie devient, en 1997, une division de Canada Pipe Lté, et passe à une propriété américaine. D’importants investissements permettent, à cette époque, de moderniser les installations.
Aujourd’hui, la fonderie est intégrée à un groupe qui compte deux installations au Québec produisant plus de 60 000 tonnes de fonte par année. L’immense majorité de la production, 94 %, est distribuée au Canada et composée de matériaux recyclés. La fonderie produit surtout du matériel de voirie, ex. : des bouches d’égout et de la tuyauterie pour les nouvelles constructions.
Extrait du numéro de mai 2017 du journal Le Réflexe