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Pandémie et pauvreté

Pandémie et pauvreté

Pandémie et pauvreté

Québec a fait le strict minimum

Serge Petitclerc (photo: courtoisie)

Les personnes les plus pauvres ont été laissées à elles-mêmes depuis le début de la pandémie, déplore le Collectif pour un Québec sans pauvreté. « Le Québec est l’un des gouvernements qui en a fait le moins pour les personnes en situation de pauvreté, » explique Serge Petitclerc, le porte-parole du collectif. « Si tu n’avais pas d’emploi avant la crise, tu n’as rien eu. Pour les personnes assistées sociales, surtout les personnes seules, il n’y a eu aucune aide. » 

Un peu comme si, aux yeux du gouvernement, la crise n’existait pas pour les plus démunis. Or, la pandémie a affecté les personnes en situation de pauvreté. « Dire que pour elles c’est comme avant, que les gens reçoivent le même chèque et n’ont pas perdu d’argent, ce n’est pas vrai, » dit Serge Petitclerc. 

Selon le porte-parole, les personnes en situation de pauvreté ont été affectées par la crise de trois manières. « La crise a eu un impact direct au niveau des revenus. Les gens ont perdu leurs revenus d’appoint : c’est devenu presque impossible de vendre des canettes par exemple, » explique le porte-parole. 

L’impact s’est également fait ressentir au niveau des dépenses. La crise a amené de nouvelles dépenses, les masques par exemple, mais aussi toute une série de frais liés au commerce en ligne, sans parler de la quasi-disparition des spéciaux dans les marchés d’alimentation. « Les personnes en situation de pauvreté sont des clientèles captives qui sont très affectées par les augmentations de prix dans les commerces de proximité comme les épiceries, les pharmacies et les dépanneurs, » explique Serge Petitclerc.

La crise a finalement eu un impact sur l’accès aux services. « Juste un exemple : combien de gens dépendent des bibliothèques pour leur accès à Internet? Mais ce n’est pas tout, plusieurs services communautaires comme les cuisines collectives et les milieux de vie ont été fermés tout le printemps et une bonne partie de l’automne, » rappelle le porte-parole du Collectif. « Du jour au lendemain, les gens ont été renvoyés à la maison et se sont retrouvés plus isolés que jamais ». 

Inaction gouvernementale

Le Collectif pour un Québec sans pauvreté a fait des représentations auprès de Jean Boulet, ministre responsable de la solidarité sociale, pour obtenir une aide directe pour les personnes en situation de pauvreté. « Nous on proposait d’utiliser le crédit d’impôt pour la solidarité un peu comme le fédéral a fait avec la TPS, » explique Serge Petitclerc, « c’était le plus simple, ça pouvait être fait rapidement, ça couvrait large et ça aurait aidé directement le monde. » Le ministre a dit étudier sérieusement la question mais rien n’a été fait. « L’idée d’envoyer de l’argent directement aux gens, ce n’est pas dans leur culture; ils n’ont pas changé à cause de la crise, » soupire le porte-parole.

Lors des rencontres, le ministre Boulet répète sans cesse qu’il est sensible aux représentations qui lui sont faites mais rien ne change. « On s’en fout, nous on veut un ministre qui agit, » peste M. Petitclerc, « les gens se retrouvent Gros-Jean comme devant, ils n’ont pas plus d’argent et c’est de ça dont ils ont besoin… mais pour être sensible, ça ils sont sensibles au gouvernement! » 

Au-delà de la COVID

Serge Petitclerc croit que la lutte à la pauvreté fait du surplace au Québec. Si certaines catégories de population, les personnes âgées et les familles avec enfants notamment, ont vu leur situation s’améliorer, celle des personnes seules et des couples sans enfants s’est détériorée. « Si on regarde les indicateurs sur de longues périodes, quand on fait la moyenne de tout ça, ça ne bouge pas, » dit-il.

Que faire alors? « Souvent les gouvernements cherchent des trucs, des tours de passe-passe pour améliorer la situation des gens mais se refusent à faire des changements structuraux, » déplore Serge Petitclerc. « Tu ne peux pas améliorer les conditions de vie des plus pauvres sans mettre de l’argent dans leurs poches, et pas juste les familles, les personnes seules aussi ont besoin d’argent; ça ne se fera pas avec des crédits d’impôt. » Le militant suggère deux mesures phares pour augmenter les revenus des personnes en situation de pauvreté : augmenter le salaire minimum et augmenter les prestations d’aide sociale.

Mais l’argent seul ne suffira pas, les services publics font aussi partie de l’équation. « C’est un des déterminants de la pauvreté : l’accès aux services publics est un facteur d’égalité, » rappelle Serge Petitclerc, « et il y a vraiment des trous béants dans les services publics de santé et d’éducation. Là où on coupe en premier, c’est toujours dans les services particuliers qui servent surtout à égaliser les chances pour les plus pauvres. » Sans parler des grands oubliés de la révolution tranquille, les soins des dents et des yeux comme le rappelle le porte-parole.

Pour lutter contre la pauvreté, ça prend de l’argent, tout simplement. « Il y en a de l’argent, ce n’est pas ça le problème. Quand ils en ont besoin, ils en trouvent comme on le voit depuis un an, » dit M. Petitclerc. « C’est d’abord un problème de volonté politique… et les pauvres ne votent pas, ça ne passe pas juste par le vote mais ça fait partie de l’équation : les personnes en situation de pauvreté n’ont pas de poids politique dans notre société, elles ne sont pas organisées politiquement, elles ne font pas le poids, » conclut le militant.


Extrait du numéro de mai 2021 du journal Le Réflexe

Action de visibilité sur la colline parlementaire

Action de visibilité sur la colline parlementaire

Le conseil central invite MM. Girard et Legault à enlever leurs lunettes roses

Québec, 25 mars 2021. – Des militant-es du Conseil central de Québec–Chaudière-Appalaches (CSN) envoient un message clair au premier ministre et à son ministre des finances en ce jour de budget provincial : « enlevez vos lunettes roses, ça prend des ressources pour les services publics ». De nombreuses pancartes avec ce message et autres objets ont été plantés tôt ce matin sur le terrain de l’Assemblée nationale.

« Ce budget arrive en pleine négociation du secteur public alors que les conventions collectives sont échues depuis un an, » rappelle Ann Gingras, présidente du conseil central. « Négociations ou pas, pandémie ou pas, ça fait des années que les services publics sont en crise et que les travailleuses et les travailleurs sont aux prises avec une dégradation de leurs conditions de travail et une surcharge due, entre autres, à la pénurie de main-d’œuvre. Si nous voulons réellement être attrayant au niveau des services publics, que le gouvernement Legault bonifie les conditions de travail et salariales. Les personnes auront ainsi le goût de faire carrière dans ce domaine et d’y rester. C’est ça le message que l’on voulait porter ce matin, » explique la présidente.

PL59 : Un recul inacceptable selon le conseil central

Réforme du régime québécois de santé et sécurité au travail (PL59)

Un recul inacceptable selon le conseil central

Québec, 23 mars 2021. – « Malgré les amendements soumis par le ministre, le projet de loi 59 sur le régime de santé et sécurité au travail constitue un recul inacceptable, » a déclaré Ann Gingras, présidente du Conseil central de Québec–Chaudière-Appalaches (CSN), lors d’une manifestation regroupant des représentants des syndicats de la région provenant autant du secteur privé que du secteur public.

« Le jupon du ministre dépasse allègrement. Son objectif premier avec ce projet de loi est de faire économiser des sous aux employeurs, » dénonce Ann Gingras. Selon les dires du ministre, il compte réduire les coûts de 4,3 G$ de façon cumulative sur dix ans. « Il veut donner plus de pouvoir à la CNESST et aux médecins des employeurs. On va accentuer la judiciarisation dans un système déjà passablement compliqué pour les personnes accidentées et malades du travail. Au lieu de réellement protéger les personnes salariées, le projet de loi complexifie et réduit considérablement l’accès au régime et à la réadaptation. C’est un détournement honteux de l’esprit de la loi! »

Le conseil central déplore également que le projet de loi 59 ne s’attaque pas du tout au mode de financement de la CNESST qui, en se basant sur l’expérience des milieux de travail, pousse à la contestation systématique de la part des employeurs. « La source de la judiciarisation elle est là, » explique Ann Gingras. « La perspective d’économies n’est que de la poudre aux yeux. Concrètement les coûts demeurent, c’est juste qu’on les transfert vers la collectivité via les assurances privées, le régime public de santé et de services sociaux et, en bout de ligne, l’aide sociale. »

« En matière de prévention, on aurait pu s’attendre à ce que le ministre fasse l’inventaire de ce qui fonctionne bien dans les milieux de travail et qu’ils étendent les bonnes pratiques à l’ensemble des secteurs. Malheureusement, ce n’est pas ce qui se passe du tout, » déplore David Bergeron-Cyr, vice-président de la CSN. « Au contraire, plusieurs milieux de travail dans des industries traditionnelles perdent des acquis et les mécanismes qu’on étend à tous les secteurs sont une version très édulcorée et faible de ce qui existait avant. »

Pire, l’ensemble des mécanismes devront faire l’objet d’un accord avec l’employeur, ce qui ajoute un nouvel élément de négociation dans les milieux de travail; ce sera source de conflits et d’affrontements puisque le projet de loi ne prévoit ni le nombre de personnes devant siéger au comité de santé et sécurité du travail ni le nombre minimum d’heures de libération de la personne représentante en prévention. Le ministre abandonne ainsi ses responsabilités en tant que législateur.

Notons également que le projet de loi 59 ne comporte que peu d’ouverture sur la question des maladies à caractère psychologique alors que l’épuisement professionnel, par exemple, est un véritable fléau dans les milieux de travail.

« La CSN ne peut pas cautionner de tels reculs en matière de santé et sécurité au travail, » prévient David Bergeron-Cyr.  « La mobilisation ne fait que commencer sur cet enjeu, on ne laissera pas passer ça.  Le ministre va nous trouver sur son chemin, c’est sûr. »

« Dans sa forme actuelle, le projet de loi 59 est inacceptable, » conclu Ann Gingras « le ministre doit retourner faire ses devoirs en mettant la santé et la sécurité des travailleuses et des travailleurs à l’avant-plan de ses préoccupations. Au-delà du coût financier, il doit prendre acte du coût humain et du coût social d’un système judiciarisé à outrance ».

Après un rassemblement devant le Ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale, les manifestant-es se sont rendu aux bureaux du premier ministre sur la colline Parlementaire.

Manifestation syndicale au MSSS

Négociation dans le réseau de la santé

Manifestation syndicale au MSSS

Québec, 18 mars 2021 – Réunis en assemblées générales dans les dernières semaines, les membres des syndicats CSN du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Capitale-Nationale (CIUSSS) ont voté massivement en faveur d’un mandat d’augmentation des moyens de pression et de planification de la grève à exercer au moment jugé opportun. Lors d’une manifestation organisée ce midi, les syndicats ont exprimé leur ras-le-bol devant une négociation qui s’enlise.

Le constat des travailleuses et des travailleurs est sans appel : les offres actuelles du gouvernement sont nettement insuffisantes. Pour Richard Boissinot, président du Syndicat des travailleuses et des travailleurs du CIUSSS de la Capitale-Nationale (CSN), il est impératif que M. Legault et ses ministres responsables prennent acte du rejet catégorique de leurs offres et donnent réellement des mandats aux porte-parole des tables de négociation.

 « Malgré les beaux discours du premier ministre, les porte-parole patronaux aux tables de négociation n’ont clairement pas de mandat. On est encore très loin d’un règlement satisfaisant qui répondrait à la fois aux besoins du réseau et à nos revendications en matière de salaire et de condition de travail », ajoute-t-il. La pénurie de main-d’œuvre qui sévit dans plusieurs titres d’emploi du réseau de la santé et des services sociaux ne pourra se résorber sans une bonification significative des salaires et des conditions de travail juge-t-il.

Par l’intensification de leurs moyens de pression et par leur volonté exprimée de se préparer à exercer une grève si nécessaire, les personnes salariées du réseau de la santé et des services sociaux, ainsi que l’ensemble des travailleuses et travailleurs des services publics affiliés à la CSN, interpellent aussi la population du Québec.

« C’est pour l’ensemble des Québécoises et des Québécois qu’on se bat. Collectivement, on mérite mieux que ces services publics qui s’écroulent. On mérite beaucoup mieux. Le gouvernement doit agir, maintenant! », conclut Nicole Cliche, présidente du Syndicat des professionnèles, des techniciennes et techniciens de la santé et des services sociaux Capitale-Nationale (CSN).

« C’est un message clair qui est envoyé aujourd’hui. Les syndicats du CIUSSS de la Capitale-Nationale ferment la boucle des nombreuses assemblées générales qui ont été tenues dans l’ensemble des syndicats du secteur public de la région. Le ras-le-bol exprimé par les travailleuses et travailleurs est partagé et nous ferons ce qu’il faut pour que le gouvernement prenne ses responsabilités et agisse réellement pour que la crise dans les services publics se résorbe. Pour ça, ça prend plus que des bons mots à la télévision », lance Ann Gingras, présidente du Conseil central de Québec–Chaudière-Appalaches (CSN).

À propos

Le deux syndicats CSN du CIUSSS de la Capitale-Nationale représentent ensemble plus de 13 000 personnes salariées des catégories 2, 3 et 4. Ils sont respectivement affiliés à la Fédération de la santé et des services sociaux (CSN), la Fédération des professionnèles (CSN), au Conseil central de Québec–Chaudière-Appalaches (CSN) et à la Confédération des syndicats nationaux (CSN).

Mot de la présidente

Projet de loi 59, un mépris pour les femmes

C’est presque incroyable d’entendre le ministre du Travail, Jean Boulet, ainsi qu’Isabelle Charest, ministre responsable de la Condition féminine, qui se targuent de clamer haut et fort que la réforme qui vise les lois en santé-sécurité au travail se veut une mise à jour féministe. D’ailleurs, lorsque la ministre est interpelée à ce sujet elle cherche ses mots… et avec raison.

Rappelons-nous que les quatre grands mécanismes de prévention que sont un comité de santé-sécurité, un programme de santé spécifique à l’établissement, un programme de prévention et un représentant à la prévention s’appliquent à seulement 15 % du marché du travail depuis plus de 35 ans maintenant. Le conseil d’administration de la CNESST qui avait la responsabilité d’étendre les mesures à l’ensemble des secteurs d’activité a refusé d’agir. 

Aujourd’hui, le ministre préfère saupoudrer avec parcimonie des éléments mineurs des mécanismes de prévention, en introduisant la notion qu’il qualifie de « niveau de risque », tout en enlevant ce qui va bien dans les groupes prioritaires actuellement. Et il récupère allègrement dans les règles d’indemnisation au grand plaisir des associations patronales. 

Selon les niveaux de risque proposés, nous retrouvons 74,9 % des femmes travaillant dans un secteur d’emploi jugé à faible risque contre 51,6 % des hommes, ce qui entrainerait des doubles standards sur le plan de la prévention. Selon le Conseil d’intervention pour l’accès des femmes au travail (CIAFT), les femmes sont exposées à des risques majeurs qui ont été souvent sous-estimés. En se basant sur les indemnisations passées pour créer les niveaux, on crée un cercle vicieux qui perpétue la discrimination envers les femmes car elles ont historiquement sous-déclaré leurs lésions. De plus, la détresse psychologique est un fléau trop peu souvent accepté par la CNESST. Rien dans le projet de loi ne corrige cette situation, au contraire.

De plus, il est assez incongru, en ces temps de pandémie, de constater que les milieux de la santé, de l’éducation et de la petite enfance soient considérés en tant que milieux à faible risque. À ce sujet, aucune négociation n’est possible. Nous continuons d’exiger que les mécanismes de prévention soient appliqués intégralement à tous les secteurs d’activités, et ce, sans distinction aucune.

En ce qui concerne le retrait préventif des femmes enceintes ou qui allaitent, l’avis du médecin traitant ne sera plus prépondérant mais plutôt assujetti à des normes nationales. À défaut de retrouver un danger dans ces normes, il reviendra au médecin de la compagnie de déterminer si danger il y a. 

Bien que nous retrouvions l’introduction d’une obligation de protéger la travailleuse victime de violence conjugale sur les lieux du travail, les intentions du ministre s’arrêtent là. Sans véritable moteur, il s’agit d’une énonciation qui a des grandes chances de demeurer vœux pieux à même titre que l’énoncé dans la loi, depuis 40 ans, d’une obligation « d’éliminer à la source même des dangers pour la santé, la sécurité et l’intégrité physique des travailleurs ».

Jean Boulet nous répète qu’il vise à mettre l’accent sur la prévention afin de réduire les coûts d’indemnisation. Pourtant, les coupures qu’il projette seront en vigueur à l’adoption alors que les mécanismes de prévention édulcorés prendront effet entre 2023 et 2025 seulement. Il ne se gêne même pas pour quantifier sa volonté de récupération qui pourrait atteindre 4,3 milliards de dollars de façon cumulative sur dix ans. Le projet de loi, dans sa forme actuelle, ferait reculer dramatiquement les droits des victimes d’accidents de travail ou de maladies professionnelles; en ne s’attaquant pas aux problèmes de judiciarisation du régime, la tendance de celles-ci de se tourner vers les assurances collectives se poursuivra sans doute. Projet de loi féministe? Vraiment M. le ministre?

Sur ce, je vous souhaite un bon 8 mars!


Extrait du numéro de mars 2021 du journal Le Réflexe