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Histoire | La CSN face au changement

Histoire

La CSN face au changement

Comment une institution centenaire gère-t-elle le changement? Jean Lortie, lui-même issu d’un « nouveau » secteur et membre fondateur du comité des jeunes dans les années 1980, en sait quelque chose.

« Il y aura toujours une tension permanente entre l’institution et le mouvement, ça traverse toute notre histoire, » nous dit le secrétaire général de la CSN, « à chaque époque l’institution tend à se préserver, à être inamovible mais le mouvement la provoque et amène le changement. »

Jean Lortie a été élu trésorier de la Fédération du commerce à 23 ans, en 1986, et fonde peu de temps après le comité de jeunes de la CSN.  « Ça n’a pas été facile. À l’époque, des jeunes il n’y en a pas beaucoup; on est très minoritaires. Les boomers sont installés, ils ne laissent pas de place, » raconte-t-il, « il y a eu beaucoup de résistance. »

En 1992, Nouvelles CSN se demandait ce qui se passait avec les jeunes.

« En 1985, le taux de chômage des jeunes était de 35 %, c’était épouvantable, » se souvient Jean Lortie. « Sur 300 étudiant-es au bac, dans mon programme, j’étais le seul à avoir une job à temps partiel, dans un hôtel. Quand on a créé le comité des jeunes, on se disait ‘’il faut donner une voix à ces gens-là sinon, dans 15 ans, ils vont détester les institutions syndicales’’. » Le comité des jeunes était alors vu comme une soupape, une occasion de ventiler et de combattre les discriminations comme les doubles échelles salariales.

« Les années 1980 ont été des années de ruptures importantes, » raconte Jean Lortie. « Il y avait un vide politique, on a fait le ménage dans nos organisations et on a dépoussiéré; on a revu la place des jeunes, des femmes, des immigrant-es. On vit des ruptures comme ça à chaque génération. »

Selon le secrétaire général, la société traverse actuellement une telle période de crise. « On est dans une rupture de civilisation : la technologie, les valeurs sont en évolution, » croit Jean Lortie, « il faut s’adapter au nouveau rapport au travail. La force des syndicats en Amérique du nord trouve sa source dans la 3e révolution industrielle, il faut prouver qu’on n’était pas une anomalie historique liée à la conjoncture des ‘’trente glorieuses’’. Est-ce qu’on est encore pertinents pour les travailleuses et les travailleurs? La question est posée et elle est majeure. »

Selon Jean Lortie, les organisations syndicales comme la CSN sont en quelque sorte victimes de leur succès. « On est des organisations qui génèrent de la classe moyenne, on hisse le monde vers le haut, » illustre le secrétaire général, « et quand les gens ont atteint la classe moyenne, ils oublient qu’il reste encore des ‘’classes laborieuses’’ comme on disait autrefois. Quand on améliore notre sort, on a tendance à oublier la condition ouvrière. On a encore des groupes très vulnérables dans nos propres rangs mais il y en a encore plus à l’extérieur. » 

La résilience

Traverser le siècle c’est bien beau mais qu’est-ce qu’on en tire? Qu’est-ce que ça change que la CSN ait 100 ans? Quel est l’intérêt pour les militant-es?

Le mot de la fin de Jean Lortie : « la résilience, c’est ça que ça amène un siècle d’histoire. Tu peux te référer à une tradition de luttes, tu apprends que les luttes se gagnent sur la longue durée. C’est ça que ça donne une centrale syndicale de 100 ans. »


Extrait du numéro de mai 2021 du journal Le Réflexe

Pandémie et pauvreté

Pandémie et pauvreté

Pandémie et pauvreté

Québec a fait le strict minimum

Serge Petitclerc (photo: courtoisie)

Les personnes les plus pauvres ont été laissées à elles-mêmes depuis le début de la pandémie, déplore le Collectif pour un Québec sans pauvreté. « Le Québec est l’un des gouvernements qui en a fait le moins pour les personnes en situation de pauvreté, » explique Serge Petitclerc, le porte-parole du collectif. « Si tu n’avais pas d’emploi avant la crise, tu n’as rien eu. Pour les personnes assistées sociales, surtout les personnes seules, il n’y a eu aucune aide. » 

Un peu comme si, aux yeux du gouvernement, la crise n’existait pas pour les plus démunis. Or, la pandémie a affecté les personnes en situation de pauvreté. « Dire que pour elles c’est comme avant, que les gens reçoivent le même chèque et n’ont pas perdu d’argent, ce n’est pas vrai, » dit Serge Petitclerc. 

Selon le porte-parole, les personnes en situation de pauvreté ont été affectées par la crise de trois manières. « La crise a eu un impact direct au niveau des revenus. Les gens ont perdu leurs revenus d’appoint : c’est devenu presque impossible de vendre des canettes par exemple, » explique le porte-parole. 

L’impact s’est également fait ressentir au niveau des dépenses. La crise a amené de nouvelles dépenses, les masques par exemple, mais aussi toute une série de frais liés au commerce en ligne, sans parler de la quasi-disparition des spéciaux dans les marchés d’alimentation. « Les personnes en situation de pauvreté sont des clientèles captives qui sont très affectées par les augmentations de prix dans les commerces de proximité comme les épiceries, les pharmacies et les dépanneurs, » explique Serge Petitclerc.

La crise a finalement eu un impact sur l’accès aux services. « Juste un exemple : combien de gens dépendent des bibliothèques pour leur accès à Internet? Mais ce n’est pas tout, plusieurs services communautaires comme les cuisines collectives et les milieux de vie ont été fermés tout le printemps et une bonne partie de l’automne, » rappelle le porte-parole du Collectif. « Du jour au lendemain, les gens ont été renvoyés à la maison et se sont retrouvés plus isolés que jamais ». 

Inaction gouvernementale

Le Collectif pour un Québec sans pauvreté a fait des représentations auprès de Jean Boulet, ministre responsable de la solidarité sociale, pour obtenir une aide directe pour les personnes en situation de pauvreté. « Nous on proposait d’utiliser le crédit d’impôt pour la solidarité un peu comme le fédéral a fait avec la TPS, » explique Serge Petitclerc, « c’était le plus simple, ça pouvait être fait rapidement, ça couvrait large et ça aurait aidé directement le monde. » Le ministre a dit étudier sérieusement la question mais rien n’a été fait. « L’idée d’envoyer de l’argent directement aux gens, ce n’est pas dans leur culture; ils n’ont pas changé à cause de la crise, » soupire le porte-parole.

Lors des rencontres, le ministre Boulet répète sans cesse qu’il est sensible aux représentations qui lui sont faites mais rien ne change. « On s’en fout, nous on veut un ministre qui agit, » peste M. Petitclerc, « les gens se retrouvent Gros-Jean comme devant, ils n’ont pas plus d’argent et c’est de ça dont ils ont besoin… mais pour être sensible, ça ils sont sensibles au gouvernement! » 

Au-delà de la COVID

Serge Petitclerc croit que la lutte à la pauvreté fait du surplace au Québec. Si certaines catégories de population, les personnes âgées et les familles avec enfants notamment, ont vu leur situation s’améliorer, celle des personnes seules et des couples sans enfants s’est détériorée. « Si on regarde les indicateurs sur de longues périodes, quand on fait la moyenne de tout ça, ça ne bouge pas, » dit-il.

Que faire alors? « Souvent les gouvernements cherchent des trucs, des tours de passe-passe pour améliorer la situation des gens mais se refusent à faire des changements structuraux, » déplore Serge Petitclerc. « Tu ne peux pas améliorer les conditions de vie des plus pauvres sans mettre de l’argent dans leurs poches, et pas juste les familles, les personnes seules aussi ont besoin d’argent; ça ne se fera pas avec des crédits d’impôt. » Le militant suggère deux mesures phares pour augmenter les revenus des personnes en situation de pauvreté : augmenter le salaire minimum et augmenter les prestations d’aide sociale.

Mais l’argent seul ne suffira pas, les services publics font aussi partie de l’équation. « C’est un des déterminants de la pauvreté : l’accès aux services publics est un facteur d’égalité, » rappelle Serge Petitclerc, « et il y a vraiment des trous béants dans les services publics de santé et d’éducation. Là où on coupe en premier, c’est toujours dans les services particuliers qui servent surtout à égaliser les chances pour les plus pauvres. » Sans parler des grands oubliés de la révolution tranquille, les soins des dents et des yeux comme le rappelle le porte-parole.

Pour lutter contre la pauvreté, ça prend de l’argent, tout simplement. « Il y en a de l’argent, ce n’est pas ça le problème. Quand ils en ont besoin, ils en trouvent comme on le voit depuis un an, » dit M. Petitclerc. « C’est d’abord un problème de volonté politique… et les pauvres ne votent pas, ça ne passe pas juste par le vote mais ça fait partie de l’équation : les personnes en situation de pauvreté n’ont pas de poids politique dans notre société, elles ne sont pas organisées politiquement, elles ne font pas le poids, » conclut le militant.


Extrait du numéro de mai 2021 du journal Le Réflexe

Action de visibilité sur la colline parlementaire

Action de visibilité sur la colline parlementaire

Le conseil central invite MM. Girard et Legault à enlever leurs lunettes roses

Québec, 25 mars 2021. – Des militant-es du Conseil central de Québec–Chaudière-Appalaches (CSN) envoient un message clair au premier ministre et à son ministre des finances en ce jour de budget provincial : « enlevez vos lunettes roses, ça prend des ressources pour les services publics ». De nombreuses pancartes avec ce message et autres objets ont été plantés tôt ce matin sur le terrain de l’Assemblée nationale.

« Ce budget arrive en pleine négociation du secteur public alors que les conventions collectives sont échues depuis un an, » rappelle Ann Gingras, présidente du conseil central. « Négociations ou pas, pandémie ou pas, ça fait des années que les services publics sont en crise et que les travailleuses et les travailleurs sont aux prises avec une dégradation de leurs conditions de travail et une surcharge due, entre autres, à la pénurie de main-d’œuvre. Si nous voulons réellement être attrayant au niveau des services publics, que le gouvernement Legault bonifie les conditions de travail et salariales. Les personnes auront ainsi le goût de faire carrière dans ce domaine et d’y rester. C’est ça le message que l’on voulait porter ce matin, » explique la présidente.

PL59 : Un recul inacceptable selon le conseil central

Réforme du régime québécois de santé et sécurité au travail (PL59)

Un recul inacceptable selon le conseil central

Québec, 23 mars 2021. – « Malgré les amendements soumis par le ministre, le projet de loi 59 sur le régime de santé et sécurité au travail constitue un recul inacceptable, » a déclaré Ann Gingras, présidente du Conseil central de Québec–Chaudière-Appalaches (CSN), lors d’une manifestation regroupant des représentants des syndicats de la région provenant autant du secteur privé que du secteur public.

« Le jupon du ministre dépasse allègrement. Son objectif premier avec ce projet de loi est de faire économiser des sous aux employeurs, » dénonce Ann Gingras. Selon les dires du ministre, il compte réduire les coûts de 4,3 G$ de façon cumulative sur dix ans. « Il veut donner plus de pouvoir à la CNESST et aux médecins des employeurs. On va accentuer la judiciarisation dans un système déjà passablement compliqué pour les personnes accidentées et malades du travail. Au lieu de réellement protéger les personnes salariées, le projet de loi complexifie et réduit considérablement l’accès au régime et à la réadaptation. C’est un détournement honteux de l’esprit de la loi! »

Le conseil central déplore également que le projet de loi 59 ne s’attaque pas du tout au mode de financement de la CNESST qui, en se basant sur l’expérience des milieux de travail, pousse à la contestation systématique de la part des employeurs. « La source de la judiciarisation elle est là, » explique Ann Gingras. « La perspective d’économies n’est que de la poudre aux yeux. Concrètement les coûts demeurent, c’est juste qu’on les transfert vers la collectivité via les assurances privées, le régime public de santé et de services sociaux et, en bout de ligne, l’aide sociale. »

« En matière de prévention, on aurait pu s’attendre à ce que le ministre fasse l’inventaire de ce qui fonctionne bien dans les milieux de travail et qu’ils étendent les bonnes pratiques à l’ensemble des secteurs. Malheureusement, ce n’est pas ce qui se passe du tout, » déplore David Bergeron-Cyr, vice-président de la CSN. « Au contraire, plusieurs milieux de travail dans des industries traditionnelles perdent des acquis et les mécanismes qu’on étend à tous les secteurs sont une version très édulcorée et faible de ce qui existait avant. »

Pire, l’ensemble des mécanismes devront faire l’objet d’un accord avec l’employeur, ce qui ajoute un nouvel élément de négociation dans les milieux de travail; ce sera source de conflits et d’affrontements puisque le projet de loi ne prévoit ni le nombre de personnes devant siéger au comité de santé et sécurité du travail ni le nombre minimum d’heures de libération de la personne représentante en prévention. Le ministre abandonne ainsi ses responsabilités en tant que législateur.

Notons également que le projet de loi 59 ne comporte que peu d’ouverture sur la question des maladies à caractère psychologique alors que l’épuisement professionnel, par exemple, est un véritable fléau dans les milieux de travail.

« La CSN ne peut pas cautionner de tels reculs en matière de santé et sécurité au travail, » prévient David Bergeron-Cyr.  « La mobilisation ne fait que commencer sur cet enjeu, on ne laissera pas passer ça.  Le ministre va nous trouver sur son chemin, c’est sûr. »

« Dans sa forme actuelle, le projet de loi 59 est inacceptable, » conclu Ann Gingras « le ministre doit retourner faire ses devoirs en mettant la santé et la sécurité des travailleuses et des travailleurs à l’avant-plan de ses préoccupations. Au-delà du coût financier, il doit prendre acte du coût humain et du coût social d’un système judiciarisé à outrance ».

Après un rassemblement devant le Ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale, les manifestant-es se sont rendu aux bureaux du premier ministre sur la colline Parlementaire.

Manifestation syndicale au MSSS

Négociation dans le réseau de la santé

Manifestation syndicale au MSSS

Québec, 18 mars 2021 – Réunis en assemblées générales dans les dernières semaines, les membres des syndicats CSN du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Capitale-Nationale (CIUSSS) ont voté massivement en faveur d’un mandat d’augmentation des moyens de pression et de planification de la grève à exercer au moment jugé opportun. Lors d’une manifestation organisée ce midi, les syndicats ont exprimé leur ras-le-bol devant une négociation qui s’enlise.

Le constat des travailleuses et des travailleurs est sans appel : les offres actuelles du gouvernement sont nettement insuffisantes. Pour Richard Boissinot, président du Syndicat des travailleuses et des travailleurs du CIUSSS de la Capitale-Nationale (CSN), il est impératif que M. Legault et ses ministres responsables prennent acte du rejet catégorique de leurs offres et donnent réellement des mandats aux porte-parole des tables de négociation.

 « Malgré les beaux discours du premier ministre, les porte-parole patronaux aux tables de négociation n’ont clairement pas de mandat. On est encore très loin d’un règlement satisfaisant qui répondrait à la fois aux besoins du réseau et à nos revendications en matière de salaire et de condition de travail », ajoute-t-il. La pénurie de main-d’œuvre qui sévit dans plusieurs titres d’emploi du réseau de la santé et des services sociaux ne pourra se résorber sans une bonification significative des salaires et des conditions de travail juge-t-il.

Par l’intensification de leurs moyens de pression et par leur volonté exprimée de se préparer à exercer une grève si nécessaire, les personnes salariées du réseau de la santé et des services sociaux, ainsi que l’ensemble des travailleuses et travailleurs des services publics affiliés à la CSN, interpellent aussi la population du Québec.

« C’est pour l’ensemble des Québécoises et des Québécois qu’on se bat. Collectivement, on mérite mieux que ces services publics qui s’écroulent. On mérite beaucoup mieux. Le gouvernement doit agir, maintenant! », conclut Nicole Cliche, présidente du Syndicat des professionnèles, des techniciennes et techniciens de la santé et des services sociaux Capitale-Nationale (CSN).

« C’est un message clair qui est envoyé aujourd’hui. Les syndicats du CIUSSS de la Capitale-Nationale ferment la boucle des nombreuses assemblées générales qui ont été tenues dans l’ensemble des syndicats du secteur public de la région. Le ras-le-bol exprimé par les travailleuses et travailleurs est partagé et nous ferons ce qu’il faut pour que le gouvernement prenne ses responsabilités et agisse réellement pour que la crise dans les services publics se résorbe. Pour ça, ça prend plus que des bons mots à la télévision », lance Ann Gingras, présidente du Conseil central de Québec–Chaudière-Appalaches (CSN).

À propos

Le deux syndicats CSN du CIUSSS de la Capitale-Nationale représentent ensemble plus de 13 000 personnes salariées des catégories 2, 3 et 4. Ils sont respectivement affiliés à la Fédération de la santé et des services sociaux (CSN), la Fédération des professionnèles (CSN), au Conseil central de Québec–Chaudière-Appalaches (CSN) et à la Confédération des syndicats nationaux (CSN).