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Mot de la présidente

La mobilisation est de mise face au projet de loi 59

En 1979, lors de la mise sur pied des lois en santé-sécurité au travail, la commission parlementaire s’était déroulée pendant onze jours pour entendre les citoyennes, les citoyens et les groupes, et ce, uniquement sur la LSST. Quelques années plus tard, ce fut au tour de la LATMP dont les audiences s’étaient déroulées pendant dix jours. 

Cette fois-ci, ce sont trois minces jours et demi qui furent consacrés à l’étude des deux lois; soit la LSST et la LATMP. De plus, 10 minutes seulement furent accordées à chaque participant afin de présenter leurs points de vue. Sans surprise, le patronat de ce monde continue à dénoncer le coût de notre régime et exige que le ministre en fasse plus. Toujours des savants calculs comptables, mais jamais le coût humain n’est pris en compte à la suite d’une blessure ou d’une maladie professionnelle et encore moins le coût sociétal.

Le ministre Jean Boulet a le culot de prétendre que sa réforme est basée sur la science alors que bon nombre de médecins spécialistes en médecine du travail et de la santé sont venus dénoncés et dire le contraire. Le PL-59 semble autant inspiré de la science que les solutions à la pandémie mises de l’avant par l’ancien président Trump.  

Le ministre du Travail se dit d’accord avec plusieurs critiques adressées lors de la commission. Cela se traduirait-il par des amendements substantiels ? J’en doute. Pour que ce projet de loi indigeste soit refait du début à la fin, nous allons devoir prendre le chemin de la mobilisation pour faire entendre notre voix, la voix des travailleuses et travailleurs du Québec. 

Déjà, nous avons vu que la question de la santé-sécurité au travail est la priorité dégagée par les délégué-es lors du congrès de la CSN. Nous devons prendre la balle au bond. Ce que ce ministre tente de faire est absolument honteux. Il se permet, en plus de se vanter que ce projet de loi permettrait de faire des économies de 4,3 milliards de dollars de façon cumulative sur 10 ans, de baisser, encore, les cotisations des employeurs dans certains secteurs.

Alors que les lois devaient, au départ, protéger les travailleuses et travailleurs du Québec en assainissant les milieux de travail, 40 ans plus tard, elles sont plutôt criblées de nombreuses failles en raison des multiples contestations des employeurs et de l’application restrictive des lois par la CNESST. Nos protections se retrouvent judiciarisées à outrance. À cela, le ministre est muet. Il confirme même des pouvoirs supplémentaires à la CNESST, au BEM et aux médecins des employeurs.

Nous vous invitons à participer en grand nombre à la prochaine assemblée qui aura lieu le 3 février prochain. Lors de cette journée, l’avant-midi sera consacré à un panel sur les conséquences de cette réforme. Vous avez également à votre disposition du matériel d’information que vous pouvez partager avec vos membres. Des informations supplémentaires vous seront données lors de cette assemblée.

Tous ensemble, nous pouvons faire la différence et nous devons la faire afin de protéger les travailleuses et les travailleurs et obliger véritablement les employeurs à faire une réelle prévention dans les milieux de travail. Leur santé et leur sécurité au quotidien en dépendent !


Extrait de l’édition spéciale sur le projet de loi 59 de février 2021 du journal Le Réflexe

La démocratie au pas de course

Le ministre du Travail, Jean Boulet, n’avait prévu que trois petits jours pour la commission parlementaire chargée de se pencher sur la réforme du régime québécois de santé-sécurité au travail. Celle-ci s’est tenue en visioconférence, du 19 au 21 janvier. Devant les critiques, le ministre a bien dû se rendre à l’évidence : ajouter une journée et inviter quelques groupes et experts qui avaient été mis de côté. L’exercice est à l’image du projet de loi 59 : bâclé et fait à la course.

La réforme proposée est d’envergure : le projet de loi 59 fait plus de 120 pages et modifie plusieurs articles se rapportant à deux lois différentes et se référant à plusieurs règlements. Il aura un impact majeur sur la santé et la sécurité au travail des travailleuses et des travailleurs. 

Historiquement, les deux lois qui composent l’essentiel du régime québécois de santé-sécurité du travail, l’une portant sur la prévention, l’autre sur la réparation des lésions, ont été instituées, et donc étudiées une après l’autre de façon séparée. Le projet de loi 59 vise à les réformer ensemble : une première, ce qui multiplie et complexifie beaucoup les enjeux tout en permettant aux modifications apportées à une loi de se nourrir de l’autre.

Malgré cela, le ministre a choisi d’aller vite, plutôt que de prendre le temps de bien faire les choses. Les délais imposés furent extrêmement serrés, à peine trois mois (en incluant les Fêtes) entre le dépôt du projet de loi et le début de la commission parlementaire. Le tout durant une période, rappelons-le, où les rassemblements de plus de 25 personnes sont interdits.

Jean Boulet a choisi les groupes et les experts qu’il voulait entendre en commission parlementaire, écartant dans un premier temps certains experts reconnus, mais critiques, ainsi que les groupes communautaires œuvrant auprès des victimes d’accidents de travail ou de maladie professionnelle (l’uttam fut finalement invitée à la dernière minute). Malgré cela, le temps imparti aux intervenants pour faire valoir leur point, 10 minutes, était extrêmement court.

Tout cela a fait dire à la présidente du conseil central, Ann Gingras, que les conditions pour un débat public, serein et démocratique n’étaient pas réunies dans une lettre ouverte publiée quelques jours avant le début de la commission parlementaire. 


Extrait de l’édition spéciale sur le projet de loi 59 de février 2021 du journal Le Réflexe

Un recul historique pour l’industrie manufacturière

Un recul historique pour l’industrie manufacturière

Le projet de loi 59 constitue un recul historique pour les secteurs industriels et manufacturiers qui constituaient les anciens groupes prioritaires 1, 2 et 3. Selon l’analyse de la Fédération de l’industrie manufacturière (FIM-CSN), les modifications proposées à la loi auront pour effet d’éliminer à terme les syndicats du champ de la prévention.

La loi adoptée en 1979, à la suite des grandes mobilisations syndicales, a introduit dans les milieux de travail des mécanismes de prévention comme un comité paritaire de santé-sécurité au travail, l’obligation de mettre en place des programmes de prévention et de santé ainsi que la création d’un poste de représentant à la prévention. L’objectif était de favoriser la prise en charge de la santé et de la sécurité dans les milieux de travail. 

Globalement, ça a bien fonctionné dans les milieux où cela a été implanté. Et c’est là le principal défaut: le déploiement progressif des mécanismes de prévention, qui devait à l’origine s’étendre à tous les milieux de travail, s’est limité à certains groupes seulement (surtout industriels) ce qui fait que seuls 15 % des travailleuses et des travailleurs sont couverts. Alors que le conseil d’administration de la CNESST avait le pouvoir d’étendre ces mécanismes à l’ensemble des travailleuses et des travailleurs, ils ont préféré faire les morts en manquant lamentablement de leadership. Ils ont donc mis la table pour cette réforme.

Or, plutôt que d’étendre des mécanismes qui ont fait leurs preuves à l’ensemble des milieux de travail, la réforme proposée fait table rase et propose de nouveaux mécanismes, beaucoup plus faibles, qui s’appliqueront en fonction d’un niveau de risque déterminé notamment à partir du niveau de réclamations à la CNESST, c’est-à-dire les dossiers acceptés par cette dernière. Concrètement, les milieux organisés seront pénalisés à cause du travail réalisé en prévention et perdront l’essentiel de leurs moyens.

Le rôle de la santé publique est éliminé ainsi que les programmes de prévention pour laisser la place aux médecins des employeurs. Des représentantes et représentants à la prévention, des agentes et agents syndicaux choisis par leurs pairs, seront remplacés par des représentantes et représentants à la santé-sécurité qui disposeront de peu d’heures de libération et seront redevables du comité paritaire de santé et sécurité plutôt que du syndicat. De plus, les employeurs auront la possibilité de créer des comités multiétablissements risquant ainsi de déraciner complètement la santé-sécurité des milieux de travail. Pour les milieux classés comme à risques élevés, la perte d’heures de libération est d’environ 20 %, mais pour ceux classés à risques modérés et faibles, elle est de 80 à 85 %. 

Jean-François Hardy, président du syndicat de General Dynamics à 
Saint-Augustin

À l’usine de Saint-Augustin de General Dynamics, la différence est majeure. « Le représentant en prévention dispose de 16 h de libération par semaine », nous explique Jean-François Hardy, président du syndicat, « la personne est choisie par le syndicat, c’est le vice-président santé-sécurité qui est représentant à la prévention en même temps. Cette personne-là est complètement indépendante et libre de ses mouvements. Le temps nécessaire pour participer au comité paritaire de santé-sécurité de l’usine est calculé à part, ce n’est pas dans la même banque de libération. » Avec le projet de loi 59, le nouveau représentant à la santé-sécurité ne disposerait plus que de 3 h par semaine, incluant le temps de réunion du comité et serait redevable à ce dernier.

« Dans notre cas, tout est conventionné et on vient tout juste de signer pour cinq ans, alors on est quand même chanceux », dit Jean-François Hardy, « mais ça ne veut pas dire que ce ne sera pas un enjeu de négociation dans cinq ans, c’est quand même des coûts pour la compagnie. » 

Et advenant le cas où ça devient un enjeu de négociation, y aurait-il mobilisation des troupes ? « J’aimerais pouvoir dire oui, mais je ne suis pas optimiste », concède Jean-François Hardy, « s’il y a des attaques sur des sujets qui sont importants pour les travailleuses et les travailleurs, qui les touchent directement, oui, sans doute, il y a déjà eu des grosses luttes en SST ici, mais s’il s’agit seulement de réduire nos heures de libération et de réduire notre capacité d’action, pas sûr… »


Extrait de l’édition spéciale sur le projet de loi 59 de février 2021 du journal Le Réflexe

De la poudre aux yeux pour le secteur public

De la poudre aux yeux pour le secteur public

Le ministre du Travail vend sa réforme du régime québécois de santé-sécurité du travail en la présentant comme un gain pour 85 % des travailleuses et des travailleurs qui n’étaient pas couverts jusqu’à maintenant par les mécanismes de prévention prévus par la loi. Un gain bien théorique pour les gens sur le terrain, notamment dans le secteur public.

« Je ne suis pas capable, actuellement, de dire que je vois des avantages dans le projet de loi », nous dit Christian Lecompte, vice-président santé-sécurité du Syndicat des professionnèles, techniciennes et techniciens de la santé et des services sociaux (SPTSSS-CSN), « on dit souvent ‘’un pas en avant, deux pas en arrière’’, mais je ne le vois pas le pas en avant, peut-être que c’est moi qui comprends mal le projet de loi, mais ce qui me frappe surtout ce sont les nombreux reculs. »

Pierre Émond, du CHU de Québec

Pierre Émond, président du Syndicat des travailleuses et des travailleurs du CHU de Québec (STTCHU-CSN), est encore plus catégorique : « C’est épouvantable, ce projet-là c’est juste pour sauver de l’argent sur le dos des travailleurs et des travailleuses. Nous on va gagner entre 30 minutes et 4 h de libération par mois parce qu’on est un secteur à risque faible, c’est à peu près le temps de la réunion du comité paritaire SST ça ! »

« La loi n’a pas été ouverte depuis 40 ans, je me serais attendu à ce qu’il y ait une reconnaissance des risques liés à notre secteur, mais non », déplore Christian Lecompte. « C’est complètement ridicule de dire que le réseau de la santé est à risque faible », poursuit Pierre Émond, « il y en a de la violence, il y en a des blessures, c’est juste que le monde se font écœurer et préfèrent se mettre sur l’assurance-salaire s’ils se blessent ce qui les sort des statistiques de la CNESST. »

Les collègues du secteur du soutien scolaire font le même constat sur la violence comme en témoignait Isabelle Larouche, présidente du Syndicat du personnel de soutien scolaire des Découveurs (CSN), dans une récente vidéo sur le site sstvraiment.org : « La réforme offre certaines avancées, mais ce n’est vraiment pas suffisant, on pourrait même dire que ce sont des miettes. Dans nos écoles, par exemple, si je regarde pour le personnel de soutien qui va travailler auprès d’élèves, il y a des gens qui reçoivent des coups, des morsures, des blessures, qui partent pour commotions cérébrales pour des semaines et mêmes des mois, comment se fait-il qu’on soit encore à risque faible, qu’est-ce qu’il faut pour être considéré à risque modéré ou encore élevé? »

Les changements législatifs ne viendront pas épauler les syndicats du secteur public quand viendra le temps de porter des revendications en matière de prévention. « On va essayer de faire de quoi avec ça, mais on ne sait pas comment l’employeur va le prendre ici », explique Pierre Émond, « on pousse pour récupérer un représentant des travailleurs et des travailleuses comme on avait avant, une personne libérée pour accompagner les gens et s’occuper de SST, mais pour l’instant c’est sur la glace. » Même chose au CIUSSS de la Capitale-Nationale où tout le travail d’harmonisation et de structuration des divers comités de prévention et de santé-sécurité issus des anciennes structures des composantes fusionnées est aussi sur la glace à cause de la pandémie.

Tout indique qu’une fois de plus, les syndicats du secteur public devront s’en remettre à la bonne volonté de l’employeur (sic) et à l’état de leur rapport de force local pour faire des avancées en matière de santé-sécurité au travail. Des luttes additionnelles sont donc à prévoir advenant le cas où le ministre ne corrige pas le tir. 


Extrait de l’édition spéciale sur le projet de loi 59 de février 2021 du journal Le Réflexe

Plusieurs reculs pour les femmes

Loin d’être féministe, comme le prétend le ministre, le projet de loi 59 « contient plusieurs reculs pour les femmes et perpétue les inégalités sociales et de genre dont elles sont victimes », comme en a témoigné la professeure de l’Université Laval, Geneviève Baril-Gingras lors de son passage en commission parlementaire.

Geneviève Baril-Gingras. Photo: Université Laval

En structurant tout le volet de prévention de la loi sur la notion de niveau de risque, le projet de loi reproduit selon la professeure « le cercle vicieux de la sous-estimation des dangers » que rencontrent les femmes au travail. Une analyse de la répartition femmes/hommes sur la base des critères du projet de loi montre que beaucoup plus de femmes (69,3 %) que d’hommes (50,2 %) se retrouvent classées dans des secteurs à risques faibles. Or, ce qui se passe c’est que les risques du travail pour la santé des femmes sont invisibilisés. Concrètement, certains problèmes de santé reliés au travail affectant particulièrement les travailleuses, comme les troubles musculo-squelettiques, font l’objet d’une sous-déclaration et d’une sous-reconnaissance. 

Ce classement d’une majorité de travailleuses dans des secteurs à risques faibles va reconduire les problèmes en matière de prévention. En effet, le succès des mécanismes de prévention dépend de la capacité de donner une voix et des ressources aux travailleuses selon Geneviève Baril-Gingras. La faiblesse des ressources accordées aux représentantes et représentants de la santé-sécurité entre ainsi en contradiction flagrante avec l’objectif affiché qui est d’étendre les mécanismes de prévention partout. Selon la professeure, c’est le temps de libération qui est le facteur clef pour que la prévention fonctionne ; or, le temps alloué est beaucoup trop faible pour être efficace.

>> Geneviève Baril-Gingras participera au panel sur la réforme des lois en santé-sécurité au travail dans le cadre de l’assemblée générale du conseil central le 3 février.


Recul pour la travailleuse enceinte ou qui allaite ?

Le PL-59 modifie de manière substantielle le retrait préventif de la travailleuse enceinte ou qui allaite. Ce droit, accordé à la fin des années 1970, vise à protéger les travailleuses enceintes ou qui allaitent ainsi que leur enfant à naître des conséquences d’un travail dangereux. Logique ! En protégeant ces travailleuses et leur enfant à naître, on préserve leur santé, mais surtout, on transmet le message aux employeurs qu’ils doivent assainir leurs milieux de travail dangereux.

Aujourd’hui, le gouvernement veut limiter la portée de cette avancée pour les femmes en restreignant les risques pour lesquels ce droit serait applicable. Dans les faits, la Direction générale de la santé publique édicterait des protocoles mur-à-mur pour encadrer les médecins traitants qui accompagnent les travailleuses dans leur démarche. Il s’agit d’une restriction du droit des travailleuses. Pour toute demande de retrait du milieu du travail et dont le danger indiqué ne figure pas dans le protocole national : c’est le médecin de l’employeur qui aura le dernier mot. Clairement, la volonté est de restreindre l’accès à ce droit fondamental.


Extrait de l’édition spéciale sur le projet de loi 59 de février 2021 du journal Le Réflexe